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Plus de 60 ans de carrière, des textes gravés dans la mémoire collective et une voix qui traverse les générations : Serge Lama est de ces artistes qui ont façonné la chanson française. Aujourd’hui, c’est à travers un documentaire officiel, actuellement en tournage, que son parcours exceptionnel va être retracé. Réalisé et produit par David Serero, ce long-métrage promet un voyage inédit au cœur de l’univers de l’interprète de Je suis malade.
De Bordeaux aux sommets de la chanson française
Né à Bordeaux en 1943, Serge Lama grandit dans un environnement artistique marqué par le théâtre et la chanson. Très tôt passionné par les mots, il se lance dans la musique au début des années 1960. Ses premiers pas sont prometteurs, mais c’est en 1968, après un grave accident de voiture, que sa carrière prend un tournant décisif. Il revient sur scène avec une force décuplée, prêt à imposer son style : des textes poignants, une intensité vocale rare et une interprétation habitée.
Des tubes intemporels et une carrière monumentale
Au fil des décennies, Serge Lama signe des chansons devenues incontournables : D’aventures en aventures, Les ballons rouges, Femme, femme, femme, ou encore l’inoubliable Je suis malade, reprise dans le monde entier. Auteur et interprète, il mêle dans ses textes poésie, passion et mélancolie, offrant à la chanson française un répertoire riche en émotions.
Une personnalité entière et généreuse
Sur scène comme dans la vie, Serge Lama s’est toujours montré fidèle à lui-même : sincère, intense, parfois provocateur, mais toujours profondément humain. Sa capacité à se livrer sans détour, à chanter l’amour et la vie avec une authenticité brute, a construit un lien unique avec son public.
Un documentaire événement
Ce biopic, véritable fresque musicale et intime, reviendra sur les grandes étapes de sa vie, entre triomphes et épreuves personnelles. Julien Clerc, Carla Bruni, Nana Mouskouri, Nikos Aliagas, Bénabar, Orlando, Patrick Sébastien, Marie-Paule Belle, et bien d’autres, livrent leurs souvenirs et témoignages, dressant un portrait vibrant de l’homme et de l’artiste.
À travers des archives rares, des interviews exclusives et des scènes inédites tournées pour l’occasion, le film promet de dévoiler un Serge Lama tel qu’on ne l’a jamais vu.
Une sortie attendue
La bande-annonce complète sera dévoilée à la rentrée, avant une sortie du film à l’automne en salles, à la télévision et sur les plateformes de streaming. Pour les admirateurs de longue date comme pour les nouvelles générations, ce documentaire s’annonce comme un hommage à la hauteur de l’icône qu’est Serge Lama.
Durant tout l'été la version web de Paris Match analyse deux chansons, ou deux versions mises face à face
LE MATCH DES TUBES (21 / 40) - Serge Lama crée « Je suis malade » sans trop de succès. Avant que Dalida, une polytraumatisée de l’amour, ne la sublime et la remette en course.
À quoi tient le destin des chefs-d’œuvre. Souvent à pas grand-chose. Il y a parfois le chanteur qui ne croit pas à sa propre création : Michel Sardou n’a-t-il pas dit à ses compagnons d’écriture qu’il ne croyait pas à cette histoire d’un mariage irlandais ? « Les Lacs du Connemara » sont devenus son plus grand tube ! Il y a, souvent, le public qui préfère un succès à une œuvre magistrale : les Français ont plébiscité « Y’a qu’un ch’veu » au « Bal des Laze » de Michel Polnareff avant que le temps corrige cette infamie. Il y a, enfin, les chansons ignorées dont la reprise par un autre artiste lui offre un retour de flamme. C’est le cas de notre duel du jour : « Je suis malade », créé par Serge Lama, et popularisé par Dalida.
Les amours contrariées ont toujours fait d’excellentes chansons. Au début des années 1970, Serge Lama est tiraillé. Il est marié, mais amoureux de Michèle Potier. À sec au niveau création, l’interprète d'« Aventures en aventures » traîne son spleen jusqu’à un dîner avec son amie et compositrice, Alice Dona. « Une petite phrase m’émeut plus particulièrement, que Serge s’obstine à employer à plusieurs reprises, comme pour appuyer son récit et me faire prendre conscience de la gravité de sa situation. « Je suis malade… Je suis malade… » », se souvient-elle dans son autobiographie. Elle se précipite au piano, compose la mélodie et la soumet à Lama. Qui retrouve sa plume. « Je ne rêve plus, je ne fume plus. Je n’ai même plus d’histoire […] Je n’ai plus envie de vivre ma vie. Ma vie cesse quand tu pars. » L’interprétation de Serge Lama est grandiose. Chaque mot illustrant sa déchéance est appuyé par une voix à la fois poignante et puissante. La mélodie de Dona s’avère tragiquement simple - des notes de piano et une légère guitare avant que les cordes viennent emballer le tout. « Tu m’as privé de tous mes chants. Tu m’as vidé de tous mes mots. Et j’ai le cœur complètement malade, cerné de barricades. T’entends, je suis malade »
La maison de disques ne croit pas à la chanson, mais l’incorpore tout de même sous la pression de Lama dans l’album « rouge » de l’artiste sorti en 1973. Le public lui préfère « Les p’tites femmes de Pigalle ». « Je suis malade » aurait pu connaître le même destin que « Le 15 juillet à 15 heures ». Mais…
Version encore plus désespérée
Une autre grande blessée de l’amour tombe sur le titre et décide de le chanter. Dalida, pas encore reine du disco, mais déjà très tourmentée s’empare la même année de « Je suis malade ». Elle ne change aucunement le texte et modifie très légèrement l’orchestration de la mélodie. Les paroles collent parfaitement et elle livre une version encore plus désespérée. « Comme à un rocher, comme à un péché, je suis accroché à toi, je suis fatigué. Je suis épuisé de faire semblant d’être heureux quand ils sont là. » La voix de Dalida est bouleversante surtout quand on connaît la fin de l’artiste. « Cet amour me tue. Si ça continue, je crèverai seul avec moi. Près de ma radio comme un gosse idiot écoutant ma propre voix qui chantera je suis malade. » Le public ne rate pas cette seconde chance et accueille triomphalement la chanson. « C’est grâce à toi si « Je suis malade » est devenu un succès », remercie dans une émission de Michel Drucker Serge Lama en 1978. Les radios passent la moitié de la chanson version Dalida, l’autre moitié version Lama.
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LE MATCH DES TUBES (10 / 40) - En 1967, Serge Lama livre une vision pessimiste de son enfance dans « Les Ballons rouges ». Michel Jonasz, lui, raconte avec mélancolie ses « Vacances au bord de la mer ».
On ne guérit jamais de son enfance. De cette période se nourrissent les souvenirs, les rancœurs et les bonheurs. La chanson française aime se souvenir. Surtout quand la jeunesse est difficile. Serge Lama et Michel Jonasz racontent leur enfance solitaire et pauvre. Le premier se lamente de l’absence de « Ballons rouges » ; le second se souvient de ses « Vacances au bord de la mer ». À chaque fois, cela fait mouche.
Notre plus grand poète chanté, Serge Lama, est un mélancolique. Version triste et revancharde. En 1967, il raconte la détresse d’un enfant qui a grandi dans le dénuement, le symbole étant les ballons rouges. « Dans ces provinces où rien ne bouge, tous mes ballons étaient crevés. Je n’ai pas eu de vraies vacances seul, face à face avec la mer. Quand le cœur rythme la cadence, des mouettes qui nagent dans l’air. » S’inspirant de son enfance, totalement solitaire avec une mère toute-puissante et un père empêché, Lama pousse un cri d’adulte voulant extérioriser ses démons. « Les fées n’étaient pas du voyage quand j’étais gosse dans mon quartier […] Je n’ai pas lu dans les étoiles, le carrosse de Cendrillon. La mienne avait une robe sale, mais elle n’avait pas de chaussons. » « J’ai rien demandé, je n’ai rien eu, j’ai rien donné, j’ai rien reçu » est répété comme une fatalité. Mais de ce vide s’est forgé un combattant. « Et je n’ai pas vu dans l’Histoire quelque guerrier ou quelque roi assoiffé de règne ou de gloire qui soit plus orgueilleux que moi », hurle-t-il. La version live de 1974 est puissante de sincérité.
L’argent ne fait pas le bonheur
En 1975, Michel Jonasz, M. Swing, chante les « vacances au bord de la mer », celles d’une famille de classe moyenne. « On allait au bord de la mer avec mon père, ma sœur, ma mère. On regardait les autres gens. Comme ils dépensaient leur argent », commence-t-il alors que les notes de piano se lancent. La voix de Jonasz calme et cotonneuse épouse parfaitement les paroles de Pierre Grosz. L’argent fait partie intégrante de la chanson. « Les palaces, les restaurants, on ne faisait que passer devant. Et on regardait les bateaux. » Puis : « Et quand les vagues étaient tranquilles, on passait la journée aux îles. Sauf quand on pouvait déjà plus. » Les vacances, en famille, se suffisent. Le décor, la mer, la plage n’ont pas besoin d’activité supplémentaire. La mélodie nostalgique fonctionne merveilleusement et la fin de la chanson - piano et cordes - nous plonge immédiatement, sans mélo, dans la réalité de cette fratrie. Bouleversant.
Serge Lama: Comment un tragique accident de voiture a fait de lui un grand chanteur
Le spectacle musical biographique SergeLama: D’aventures en aventures, en hommage au célèbre chanteur, prendra vie cet été au Centre culturel Desjardins de Joliette. Une occasion en or de plonger dans l’univers d’un véritable monument de la chanson française, dont le parcours fascinant ne peut que captiver. Survivant de la Seconde Guerre mondiale et d’un terrible accident de voiture, Serge Lama a croqué la vie à pleines dents, porté par la musique et une résilience hors du commun. Retiré de la scène depuis février, il s’est confié à nous avec beaucoup de générosité.
Bonjour, Serge Lama, comment allez-vous?
Très bien, merci. Et je suis ravi de parler à quelqu’un du Québec, un pays que je connais bien et que j’aime beaucoup. J’ai souvent chanté au Québec depuis mes débuts. J’y ai même été connu, voire devenu une star, avant de l’être en France!
Ce lien avec le Québec est encore bien vivant puisque, cet été, on célèbre votre vie avec un spectacle biographique avec les interprètes Stephan Côté, Éric Paulhus, Elizabeth Duperré et Gaële. Un spectacle que vous avez autorisé. Avez-vous accepté sans hésiter?
J’ai accepté rapidement lorsque j’ai su que l’auteure était Mélissa Cardona, qui avait écrit Amsterdam: Jacques Brel remonte sur scène. Et comme je connais bien France Brel, sa fille, je savais qu’elle n’aurait jamais laissé passer un projet mal ficelé sur son père. J’étais donc en pleine confiance.
On imagine un spectacle à votre image...
Voilà, c’est un spectacle biographique joyeux. C’est l’image que j’ai envie de laisser au Québec, avec cette force de vie qui m’a toujours animé et qui m’a poussé à écrire des chansons. J’ai eu une vie très remplie. J’ai énormément tourné. Une année, j’ai donné 307 concerts. Pendant une quinzaine d’années, je n’ai pas arrêté. J’étais épuisé. J’ai donc pris du recul, fait du théâtre. Les metteurs en scène m’ont appris la rigueur, et ça a transformé ma façon d’interpréter mes chansons par la suite.
Photo : inconnu / TF1
Il paraît que votre service militaire en Algérie a été une période très inspirante pour vous. Vous y avez beaucoup écrit?
Oui, c’est vrai, j’ai beaucoup écrit pendant mon service. Mais en réalité, j’ai commencé très jeune. À 11 ans déjà, j’écrivais énormément. J’ai vite eu une bonne plume. Ma chanson À 15 ans, mon tout premier petit succès, je l’ai composée vers 18 ans. C’était mon cheval de bataille, je la chantais au Cabaret de l’Écluse, là où tout a commencé pour moi.
Ce cabaret a joué un rôle déterminant dans votre parcours.
Absolument. C’est là que j’ai rencontré la chanteuse Barbara. Grâce à elle, j’ai chanté en première partie de Georges Brassens au théâtre Bobino en 1964. Brassens, je l’admirais profondément. Pour moi, c’était un rêve. Et plus tard, quand je suis devenu star à mon tour, j’ai croisé tous les grands. J’ai chanté avec Bécaud. Un jour, j’ai croisé Jacques Brel et il m’a dit: «J’aime beaucoup ce que vous faites.» J’étais bouleversé. Brel, c’était une montagne de talent. Je suis reparti tout tremblant et complètement retourné.
Votre père était chanteur d’opérette. La musique a donc bercé toute votre enfance. Vous êtes né à Bordeaux, mais, l’année de vos sept ans, la famille a déménagé à Paris pour la carrière de votre père.
Oui, j’adorais mon père. C’était une étoile pour moi. Il chantait merveilleusement bien. J’allais dans les théâtres où il se produisait, je ressentais la magie du lieu, l’odeur du maquillage des femmes, l’effervescence des coulisses... C’était fascinant. Mais, une fois à Paris, il a arrêté sa carrière. Et ça, je l’ai très mal vécu. C’est comme si j’avais moi-même abandonné un rêve.
Avez-vous l’impression d’avoir voulu accomplir ce qu’il n’a pas pu terminer?
Oui, je crois bien. J’ai voulu réussir à sa place. Cette part de mon histoire est évoquée dans le spectacle biographique. Les gens vont découvrir mes débuts, mes blessures, mais aussi ma résilience.
En 1965, vous avez eu un grave accident de voiture qui a brisé votre corps. Vous avez affirmé que, lorsque vous montiez sur scène, les douleurs disparaissaient. Est-ce pour ça que vous faisiez autant de concerts?
Oui, c’était comme si quelqu’un d’autre chantait à ma place. J’étais à la fois marionnettiste et marionnette. C’est difficile à expliquer à quelqu’un qui ne vit pas ça, mais oui, sur scène, la douleur s’effaçait.
Cet accident a marqué un tournant majeur dans votre vie. Il a modifié votre trajectoire. Ressentez-vous de la colère, ou avez-vous réussi à en faire une force?
Je suis résilient, c’est certain. Et paradoxalement, je crois que si je n’avais pas eu cet accident, je n’aurais peut-être pas réussi ma carrière. Il a décuplé ma volonté de tout donner, d’être plus grand que moi-même. Ce drame m’a poussé à aller plus haut.
Dans cet accident, vous avez aussi perdu votre premier grand amour – votre fiancée, la pianiste Liliane Benelli – et des amis .
Oui... C’est impossible à décrire. J’étais si jeune! Perdre la femme qu’on aime à 22 ans, c’est une douleur indicible. C’est après mon transfert à Paris qu’on m’a appris sa mort. J’ai hurlé toute la nuit, comme un loup. À l’hôpital, ils ne savaient pas quoi faire de moi. C’était une douleur physique, mais surtout une douleur d’âme immense. Beaucoup de mes chansons parlent de perte, de quelque chose de brisé... comme un paradis perdu. Je ne le réalisais pas toujours en écrivant. Il y a en moi une blessure profonde.
Les médecins vous ont dit que vous ne pourriez plus chanter, ni même marcher. Et pourtant, vous êtes remonté sur scène...
J’ai dit au médecin: «Non seulement je remarcherai, mais je chanterai à l’Olympia!» Je n’avais pas de plan B. J’avais juste un plan A.
Vous êtes né pendant la Seconde Guerre mondiale, en 1943. Une telle guerre marque un pays et ses habitants, même bébés.
Oui, toute mon enfance, on parlait de la guerre. Mon père avait fui le service de travail obligatoire avant l’arrivée des Allemands. Tous ses compagnons d’armes ont été tués. Il aurait péri lui aussi s’il y était resté. Imaginez donc les conversations autour de la table... Ces récits ont nourri mon imaginaire d’enfant. À Bordeaux, où je suis né, il y avait des alertes aux bombardements, et les gens descendaient dans les abris. Un jour, mon père m’y a descendu juste avant qu’un obus traverse mon berceau. Le destin, vous voyez... Les bombes tombaient autour de moi, et pourtant, j’ai survécu miraculeusement.
Et vous êtes toujours là, vivant, avec votre rire bien à vous...
Mon rire si particulier vient peut-être de là. La douleur engendre le rire.
Vous avez aussi un fils, Frédéric. Il a été magicien, puis animateur, et aujourd’hui il travaille en production audiovisuelle.
Ah, mon fils, c’est un garçon très secret. Si je lui écris un mot de 15 lignes, il me répond en deux lignes. Mais quand il vient à la maison, là, il parle beaucoup. Nous sommes très différents.
Le 14 février, trois jours après avoir soufflé vos 82 bougies, vous avez fait vos adieux au public lors des Victoires de la musique. Vous avez choisi de vous retirer, car vous refusiez de finir votre carrière à chanter assis sur scène.
Oui, c’était le bon moment pour dire au revoir. J’aurais dû faire une tournée quelques années plus tôt, mais le covid a tout stoppé. Trois ans après, je n’étais plus le même. Je ne me voyais pas chanter assis dans un fauteuil. Alors j’ai pris la décision de quitter la scène.
Et maintenant que vous ne montez plus sur scène, vous avez envie de passer plus de temps avec votre femme, Luana Santonino.
Luana et moi, on partage tout. On vit ensemble, on est heureux. C’est un bonheur simple mais précieux. La vie m’a gâté, surtout en amour. J’ai eu des compagnes formidables. J’écoute des disques, je regarde de vieux films. Le soir, avec Luana, on écoute des classiques français en livre audio. Et j’habite cette ville fabuleuse qu’est Paris. Nous préparons également un album avec toutes les chansons que j’ai écrites pour Nana Mouskouri qui sortira bientôt. Je suis un homme heureux!
Article paru au Quebec avant la première le 10 juillet d'un spectacle sur Serge Lama
Le parcours du battant Serge Lama présenté sur scène
Sept ans après son spectacle à succès Amsterdam, Mélissa Cardona consacre une nouvelle pièce musicale au répertoire d’un chanteur renommé. Et pour l’autrice, il était naturel de faire succéder Serge Lama à Jacques Brel, une autre découverte de son adolescence. « Il m’a accompagnée pendant tellement de ruptures amoureuses avec Je suis malade. »
Le grand auteur-compositeur-interprète belge a servi de modèle à Lama, explique la créatrice de Lili St-Cyr. Théâtre musical. « Il a toujours voulu, comme Brel, faire de la chanson à textes. Mais Serge Lama était beaucoup plus du côté populaire. Et on le lui a reproché un peu, alors que lui sentait pourtant qu’il était un auteur aussi, que ses mots étaient puissants. Ça a pris des années avant qu’il ne soit reconnu pour ça. » Et l’auteur des Ballons rouges raconte lui aussi des histoires. « Comme chez Brel, il y a une charge dramatique dans chacune des chansons : on commence quelque part, on finit ailleurs. Et c’est ça, pour moi, qui m’évoque le théâtre musical, où la musique fait avancer l’action. »
La Québécoise signe donc un spectacle musical biographique « autorisé » par le chanteur et parolier français lui-même. Une approbation qu’elle envisageait pourtant difficile à obtenir. Cardona crédite un peu Brel pour sa « bonne étoile ». « Serge Lama a fait sa petite enquête pour savoir qui j’étais. Et il a parlé à France Brel, la fille de Jacques, qui avait approuvé Amsterdam, qui a dit du bien de moi et de la production. Alors j’ai eu un “oui” de Lama avant d’écrire le texte. On a travaillé en collaboration. »
Au départ, Mélissa Cardona pensait procéder comme pour le spectacle précédent et « tresser une histoire semi-fictive » à partir des chansons. Mais avant sa première rencontre virtuelle avec l’artiste de 82 ans, elle a tout lu sur sa biographie et réalisé qu’avec Lama, elle ne pouvait pas faire ça : la réalité était « trop forte » et dépassait la fiction. Le chanteur, auquel elle avait soumis deux synopsis potentiels, une trame biographique et l’autre inventée, a heureusement d’emblée choisi la première. « Et là j’ai compris que c’était un homme qui avait envie de raconter ce récit, et qui était conscient de la force de cette histoire. »
D’accident en accident
Un parcours qui aura été éprouvé par les accidents. Et pour créer Serge Lama. D’aventures en aventures, Mélissa Cardona s’appuie sur ces trois moments marquants. En 1965, alors que Lama vient de décrocher son premier contrat, sa carrière est retardée par un terrible accident d’automobile qui coûte la vie à sa fiancée, la pianiste Liliane Benelli, et laisse le jeune chanteur un an à l’hôpital. « On lui a caché pendant longtemps qu’elle était décédée, pour lui permettre de se réhabiliter. Il a failli ne plus marcher, ne plus chanter. Il a toujours gardé une raideur dans sa jambe gauche. »
Le scénario se répète tragiquement en 1984 : en plein milieu d’une représentation de la comédie musicale qu’il a écrite, Napoléon, Lama apprend que ses parents ont été victimes d’un accident de la route. Il revit un peu le traumatisme de son propre accident, à travers celui qui a tué son père sur le coup et sa mère plus tard.
Enfin, en 2021, la pandémie force Serge Lama à annuler sa tournée d’adieu. « Donc sa première tournée, il ne l’a jamais faite et sa dernière non plus », résume Cardona qui, « en toute humilité », désire remplacer en quelque sorte cette ultime rencontre ratée du chanteur avec son public, en lui offrant Serge Lama. D’aventures en aventures.
Même si son sujet collabore au texte, l’autrice hésite à qualifier le spectacle — que les Montréalais pourront voir à l’Espace St-Denis fin octobre — d’hommage, puisque « dans un hommage, il n’y a pas de regard ou de recul. J’ai toujours peur que les gens pensent qu’ils viennent voir Éric Paulhus et Stéphan Côté imiter Serge Lama. Ce n’est pas ça. On est vraiment dans une histoire, qui est tressée par sa vie, ses conquêtes et ses accidents, jusqu’à aujourd’hui. Je pense que c’est ça la force : monsieur Lama est encore vivant et il accepte ça. Et je voulais être claire avec lui : je ne veux pas aseptiser [le récit], je n’ai pas envie qu’on voie juste les beaux côtés, sinon ça va donner une histoire beige. Il faut que le public s’attache à l’homme. Et un homme, c’est plein de défauts, d’erreurs et de cheminement. »
Serge Lama a rectifié la vérité dans certaines scènes puisées par l’autrice dans des biographies qui, a-t-elle compris alors, n’avaient pas été autorisées. « Mais il y a des choses que j’ai apprises en lui parlant, qui n’étaient écrites nulle part. Et ça, c’est ma fierté. Je n’ai pas eu tant à le convaincre, parce qu’il comprenait. Même que, parfois, son épouse disait : “Tu es sûr ?” et il répondait : “Oui, c’était ça, ma vie.” Il a commis des erreurs et il le sait, il l’assume parce qu’il a cheminé. Et moi, je trouve ça beau. Donnons la parole à cet homme, qui est un aîné, parmi les derniers de sa génération de chanteur à texte qui a connu ce genre-là, et qui est capable d’avoir un regard sur ce qu’il a été avant. Il l’assume tellement qu’il nous l’offre. » La créatrice fait référence ainsi à ses aventures amoureuses.
Et comme l’artiste le dit lui-même : « Ma vie est collée à ma carrière. » « Mais Serge, au départ, n’était pas du tout l’homme à femmes qu’on a connu après, relate Cardona en évoquant les débuts du parolier. Au contraire ! Il était une espèce de Cyrano qui écrivait des vers pour des garçons qui après allaient les donner aux filles. Il était dans l’ombre et se sentait moins que rien. Mais il a [persisté]. » Ce fils d’un chanteur d’opérette, lequel avait renoncé à se produire en tournée à l’exigence de sa femme, lassée de ses infidélités — « Serge en a voulu à sa mère pendant une grande partie de sa vie » —, se sentait investi d’une mission, soit « d’être cette voix, pour que mon père puisse s’accomplir à travers moi ».
La chimie d’un duo
Les deux comédiens qui interprètent Serge Lama soulignent la grande persévérance du personnage, un « battant » qui a persisté en dépit des embûches. Éric Paulhus et Stéphan Côté (qui, outre la version plus âgée du chanteur, incarne d’autres figures, tel le père de Lama) ont été engagés en duo, tellement la connexion était bonne entre eux. « Pour la deuxième audition, on était jumelés et il y a eu une espèce de chimie qui s’est produite instantanément, raconte Côté. Mélissa m’a dit qu’elle n’avait jamais vu une deuxième audition aussi formidable. »
S’ils campent le même homme, les deux acteurs lui apportent leur propre couleur. « On a chacun nos plages de liberté, estime Paulhus. Mais après deux mois de répétitions, je pense qu’on se teinte mutuellement [dans le jeu]. Et on n’est pas dans une imitation. On ne fait pas une copie. »
Aussi joué par Elizabeth Duperré et Gaële, porté par des musiciens sur scène, le spectacle fera entendre une vingtaine d’œuvres de la discographie de Lama. Des chansons intégrées dans la trame narrative et parfois donc interprétées par d’autres personnages. Le récit fait revivre notamment quelques grands noms de la chanson (Dalida, Barbara).
Le texte de Serge Lama. D’aventures en aventures s’est élaboré en collaboration avec la distribution et le metteur en scène Charles Dauphinais et, en allers et retours avec les commentaires du principal intéressé. « Je n’ai jamais fait une création comme ça, révèle Mélissa Cardona. Je ne pense pas en refaire non plus, parce que c’est vraiment particulier. J’allais chez monsieur Lama en France, il me disait des choses que je ramenais à ma gang. » De son côté, l’équipe de création avait pensé à une idée que l’autrice soumettait en retour à Serge Lama. « Ça roulait sans arrêt ! On ne peut pas faire plus art vivant que cela. »
Une véritable coopération transatlantique qu’Éric Paulhus et Stéphan Côté espèrent pouvoir aller présenter un jour devant le chanteur français. En attendant, le spectacle qui lui est consacré sera en tournée québécoise jusqu’au printemps 2026.
Le dimanche 29 juin 2025 à 22h dans la cour d'honneur du château Comtal sera diffusé un documentaire sur Serge Lama signé Mireille Dumas en présence de cette dernière.
CARCASSONNE : LES RENCONTRES DOCUMENTAIRES - SERGE LAMA
Le 29 juin 2025 à 22h00 Cour d'honneur du Château Comtal Élaboré par Laurence Gasc, Conseillère Municipale en charge de la Cité et des relations avec l’Office Municipal de Tourisme, ce programme 2025 offre 3 documentaires sur de grandes personnalités ayant marqué la culture française et internationale : Claude Lelouch, Anouk Aimée, Serge Lama. Ouverture des portes à 21h30 Serge Lama n’est pas simplement une voix et une personnalité hors norme. Il est avant tout l’auteur d’immenses succès populaires : "Je suis malade", "Femme, femme, femme", "Les ballons rouges".... Avec ce film réjouissant et bouleversant qui nous fait voyager dans sa vie à travers ses plus belles chansons, Serge Lama se livre comme il ne l’a jamais fait à Mireille Dumas, entre rire et émotion. L’artiste revient sur les moments importants de sa vie avec une franchise rare. Sans aucun tabou, il parle de l’amour, des femmes qu’il a chantées tout au long de sa carrière, de sa mère possessive et tyrannique et de son père chanteur d’opérette devenu marchand de bière par nécessité. Il raconte la douleur d’avoir perdu son premier amour lors de ce terrible accident qui a également coûté la vie au frère d’Enrico Macias et lui a laissé des séquelles physiques et mentales ineffaçables. Sa vie depuis son enfance est un roman à rebondissements avec des drames qu’il a toujours su dépasser grâce à ce tempérament fort qui lui fait aimer « la vie à la folie ». Projection en présence de la réalisatrice-productrice Mireille Dumas.
Le journal de Montréal, 13 juin 2025 par Bruno Lapointe
Éric Paulhus et Stéphan Côté uniront leurs forces – et leurs voix – pour donner vie à un des grands monstres sacrés de la chanson française à compter du mois prochain dans le spectacle musical Serge Lama – d’aventures en aventures. À quelques semaines du début des représentations, Le Journal est allé à leur rencontre.
«Une carrière, c’est des amis, des copains, des ruptures, des conquêtes, des pertes, des douleurs... Et ma vie est collée à ma carrière», commente Serge Lama dans une vidéo présentée aux médias plus tôt cette semaine, promettant que les éléments les plus marquants de son existence – autant les bons que les mauvais – seront abordés dans le spectacle.
Car il faut savoir que le chanteur français a non seulement donné son aval au projet, mais il collabore également avec l’équipe de Serge Lama – d’aventures en aventures. C’est ainsi que les différents volets de sa vie seront revisités sur scène, d’abord à Joliette, puis en tournée à travers la province, grâce à la plume de l’auteure Mélissa Cardona.
Une vingtaine de titres
Tout ça, évidemment, s’articulera autour d’une vingtaine de chansons du célèbre chanteur, maintenant âgé de 82 ans.
«À cause de la manière dont le spectacle est construit, il n’est pas nécessaire de connaître toutes les chansons pour l’apprécier. Et même qu’elles s’imbriquent dans l’histoire, dans leur contexte original, alors même ceux qui les ont entendues des dizaines de fois risquent de les redécouvrir différemment», plaide Éric Paulhus.
«Serge Lama est une icône qui fait partie des grands, au même titre que Jacques Brel, Georges Brassens ou encore Barbara. Il y a un devoir de mémoire qui doit être fait jusqu’ici, au Québec», ajoute pour sa part Stéphan Côté.
Le comédien et chanteur rappelle du même souffle que c’est ici, au Québec, que la carrière de Serge Lama a d’abord pris son envol.
«Et il a influencé une génération entière d’artistes d’ici», renchérit Éric Paulhus.
Deux femmes, moult personnages
Aux côtés de Stéphan Côté et d’Éric Paulhus, Gaële incarnera, entre autres, Liliane Bellini, fiancée de Serge Lama ayant perdu la vie dans un accident de la route en 1965, et la compositrice Alice Dona. Quant à elle, Elizabeth Duperré personnifiera les différentes femmes ayant façonné le parcours de l’icône de la musique française, devenant tour à tour Barbara, Dalida ou encore Michèle Potier.
La mise en scène du spectacle est assurée par Charles Dauphinais et appuyée par des chorégraphies signées Alex Francoeur.
Ailé tel Pégase, dans son nouveau fauteuil roulant, mon ami Fred Zeitoun sort un nouvel album « LES SOUVENIRS DE DEMAIN ». Ce chanteur à deux roues, a un humour ravageur. Il y cite tous les chanteurs qu'il n'a pas pu être, privé du bas du corps qu'il est, mais le bât ne blesse jamais !!! Et je vous assure que c'est un plaisir rare que d'écouter cet album. En duo notamment avec ma copine Anny Duperey, une jolie chanson sur le temps qui passe, mais sans amertume aucune. C'est de la vraie belle ou jolie chanson, celle dont certains d'entre vous sont en manque. C’est de la bonne rengaine, estampillée France ! À cet excellent shit on ne dit pas « chut ».
Matthieu Moulin a pendant longtemps été le directeur artistique de Marianne Mélodie, dans cette interview il parle de sa rencontre avec Serge Lama dans Parole d'actu.
Jamais dans mes rêves les plus fous, je ne pensais rencontrer l’immense artiste qu’est Serge Lama. Il semble, pourtant, que c’était écrit dans les étoiles.
Je dois cette première prise de contact à la chanteuse Régine, pour qui je venais de réaliser le coffret CD réunissant l’intégralité de ses enregistrements. Elle connaissait Serge depuis très longtemps, il lui avait écrit des chansons magnifiques dont elle était très fière.
Un soir, elle organisa un diner avec Serge et son épouse, auquel je fus convié. J’étais sur un petit nuage. Impressionné au début, j’ai rapidement été à l’aise face à lui car l’homme est simple, modeste, humble, généreux. Nous avons rapidement trouvé des sujets de conversation car Serge Lama est un vrai passionné et connaisseur du music-hall d’antan.
Son papa Georges Chauvier ayant lui-même été un chanteur d’opérette et de variété dans les années 50, j’eus l’idée d’une compilation autour du père et du fils. Une fois ce projet validé par Serge, nous nous sommes mis au travail. Et en février 2021, en même temps que l’anniversaire de Serge, le double CD "Quand Papa chantait" est né. Son contenu réunissait les titres enregistrés par Georges Chauvier et Serge Lama, mais aussi des titres rétro que Serge entendait, enfant, chantés par la voix de son père. J’étais heureux de réhabiliter la voix de Georges Chauvier, d’autant que les six faces en 78 tours qu’il avait enregistrées jadis, étaient devenues très rares.
Et tout aussi heureux de gagner la confiance de Serge Lama, à qui je proposais bientôt un deuxième projet, pour fêter ses 80 ans : un double DVD de ses plus grands succès chantés à la télévision. Là encore, nous avons travaillé main dans la main, Serge, son épouse et moi, pour offrir au public le meilleur programme musical qui soit : 80 chansons incontournables de son répertoire, depuis 1964, année de son tout premier 45 tours. En février 2023, "Un regard, une voix - 80 chansons d’or" sortait dans les bacs, pour la plus grande joie de ses nombreux admirateurs. Les témoignages reçus de part et d’autre étaient très émouvants.
Serge Lama est un artiste aimé, adoré, vénéré, d’un amour pur, sincère, vrai. Rien ne peut me toucher davantage que l’authenticité d’un artiste et la ferveur du public pour un artiste. Les séances professionnelles tout comme les heures dans l’intimité restent gravées dans ma mémoire comme des moments privilégiés d’une très forte intensité émotionnelle. Car l’homme privé est le même, il ne triche pas.
Serge Lama est un Seigneur qui a émerveillé ma vie par sa grande disponibilité et son extrême gentillesse. Qu’il me soit permis de remercier ici l’univers pour la rencontre inoubliable de cet être remarquable, aujourd’hui devenu mon ami.