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17.02.2021

17 Février 2023:Billet de François Morel

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Ecouter le Podcast de ce billet de François Morel, sur France Inter qui concerne Serge lama

 

Pendant longtemps, j’ai gardé au fond d’un tiroir un autographe de Serge Lama.

Juste sa signature sur une photo en noir et blanc obtenue en 1970 lors de la Foire-Expo de Flers-de-l’Orne qui avait également invité Rika Zaraï et Tino Rossi. Cette année-là, la place du Champ-de-Foire de Flers de l’Orne, c’était l’Olympia, Bobino, le Casino de Paris. Cette année-là, Flers-de-l’Orne, c’était Broadway. Tino Rossi, en personne, je l’avais même aperçu en vrai. Il était dans sa voiture, sortant de l’Hôtel Oasis, le plus moderne de la ville à l’époque, juste à côté de la place des 5 Becs dans une Mercedes et il téléphonait. Oui, en 1970, Tino Rossi téléphonait à l’intérieur de sa voiture. Cette année-là, Flers-de-l’Orne, c’était la Silicon Valley, c’était la planète Mars.

Tino Rossi en 1970 était un vieillard de 63 ans. Sur scène, sa prestation évoquait peu l’énergie d’un Jim Morrisson ou d’un Mick Jagger. J’avais onze ans et peu sensible j’étais à la nostalgie de Marinella et de Tchi-tchi. Rika Zaraï chantait Casatschok et Balapapa. Je trouvais ça très populaire. À onze ans, j’étais un peu snob.

Mais Serge Lama, qui à l’époque était le moins connu des trois m’avait subjugué, bouleversé, conquis. Il chantait Une île, D’aventures en aventures, Le temps de la rengaine, Le 15 juillet à cinq heures…

Ta voix murmure

Tranquille et sûre

Comme un vieux disque qu’on écoute

Un verre de whisky à la main

Sous la véranda on s’installe

Dans un bruit feutré de sandales

Devant un parterre de fleurs

Le quinze juillet à cinq heures.

Serge Lama chantait les choses les plus émouvantes, les plus délicates qui soient puis tonitruait dans un éclat de rire, rigolait, chantait fort. C’était un héros. Vendredi dernier, quand je l’ai vu sur la scène des Victoires, j’ai repensé à mes émotions d’enfant de onze ans et je me disais qu’il ne pouvait pas avoir 80 ans puisque j’en avais toujours 11 en l’écoutant chanter. « J’arrête les frais » il a dit avec prosaïsme et franchise, avec pudeur et émotion. « J’arrête les frais » parce que c’est trop dur de chanter debout deux heures sur scène, parce que le corps ne suit plus, parce qu’il n’est pas question pour lui de chanter assis, parce qu’il est fier, parce qu’il ne veut pas faire pitié, parce que sur le ring d’un music-hall qui éteint ses lumières, il ne veut pas faire le combat de trop.

Je suis sûr qu’en cherchant un peu, je retrouverai l’autographe que Serge Lama m’a signé en 1970 sur la place du Champ-de-Foire à Flers. Les émotions d’enfant sont indestructibles.

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