29.01.2011
29 Janvier 2013: Femme actuelle
Serge Lama est l’un de nos plus grands auteurs de la chanson française qui fêtent ses 50 ans de carrière. 50 ans d’une vie dédiée au public. Rencontre avec un artiste qui cache tellement de choses derrière son sourire énigmatique et ses yeux malicieux.
Serge Lama, sa carrière
IC : De quoi es-tu le plus fier de toute ta carrière ?
Serge Lama : j’ai dû mal à répondre à cette question. Mais qu’est-ce qui m’a rendu le plus fier ? Tu sais, tu as toujours envie de répondre que c’est ce que tu es en train de faire. Ce qui me rend le plus fier c’est d’avoir résisté et de fêter bientôt mes 50 ans de chansons, parce que, c’est tellement rare et difficile quand on regarde les précipices aux bords desquels on est passé... J'ai su rester dans les premiers et être toujours là aujourd’hui. Je crois que ça, c’est une fierté, parce que c'est énorme par rapport à toutes les carrières que je vois autour de moi. J’ai pu aussi gérer malgré mes erreurs. Je suis responsable de ce que j’ai raté et réussi au même titre. Bien sûr j’ai eu des sommets dont je suis fier mais c’est quand même la durée qui est la plus difficile à obtenir.
Est-ce que tu as un regret malgré toute cette réussite ?
J’en ai beaucoup. Peut être avec Michelle (NDLR sa femme). Je l'ai beaucoup fait souffrir. Ce sont des regrets sentimentaux. Parce que par moment, j’étais parti tout le temps. Elle a vraiment vécu une vie de marin plus que n’importe quelle femme peut être d’artiste. J’étais parti 250 jours par an sur les routes en moyenne. Je faisais au moins 200, 230 dates. Je suis même allée une année jusqu'à 300, en 76. C’est pour dire le temps qui restait pour un couple... Elle tenait la maison. Elle venait me retrouver de temps en temps. Mais en même temps ça me donnait une sorte de liberté et à elle aussi d’ailleurs. Elle savait à quoi elle s’attendait. Elle fait partie des femmes qui savent avec qui elles s’acoquinent. On s’est marié au bout de 20 ans, parce que je me disais « elle ne se rend pas compte il faut quand même que je la protège s’il devait m’arriver quelque chose. Ce n’est même pas elle qui me l’a demandé. C’est quand même le regret principal que j’ai. Je dirai que ma satisfaction finalement c’est d’avoir eu l’instinct de faire un enfant, juste avant l’heure, avant qu’il ne soit trop tard. Ca a un petit peu sauvé ma vie personnelle, l’autre vie, parce que ma vie professionnelle a tout pris et c’était ce que je voulais faire. Je pensais n’avoir jamais d’enfant parce que je l’avais décidé, puis un jour il s’est présenté. A ce moment-là j’ai su qu’il fallait. C’est comme si, il m’avait dit "tu ne peux pas refuser c’est moi c’est Fredo". Michelle a été autant seule à élever Fredo qu’elle a été seule à élever Nicolas qui était le fils de son ex-mari. Je n’ai pas changé de vie. J’ai continué à vivre cette vie de dingue même si je faisais 150 dates au lieu d’en faire 250.
Mais aujourd’hui tu penses qu’il t’en tient rigueur ?
Fredo est assez secret. Qu’il ne m’en tienne pas rigueur, c’est dire qu’il m’a pardonné tout, parce que, je pense qu’il y a beaucoup d’amour entre nous. Mais qu’il en ait souffert, c’est forcément vrai parce que tu souffres toujours de ne pas avoir une représentativité masculine assez constante. Il n’y pas d’enfants qui n’en souffrent pas. De toute façon je n’aurais pas pu aider un enfant petit, je n’aurais pas su quoi lui dire. Je ne pouvais qu’aider un adolescent. C’était pas possible dans ma nature.
Et professionnellement tu as des regrets ?
Des regrets de métier, forcément. Mais ce sont des erreurs qui ont été des triomphes. Alors est-ce que tu rejetterais le triomphe par rapport à l’erreur que ça a générée. Napoléon par exemple a sûrement été une erreur. Ca été une espèce de machin au milieu de ma carrière. Ca a pris 10 ans de ma vie. Pendant ce temps je n’ai pas fait de disques, pendant ces 10 ans, j’ai disparu, pendant ces 10 ans d’autres ont enregistrés. J'ai commis des erreurs de fidélité, de faiblesse, donc. Ne pas oser quitter les gens que j’aurais dû quitter. Et ça m’a couté très cher. Mais, c’est aussi à mon crédit sur le plan humain.
Et tu te dis quoi maintenant avec l’Olympia qui arrive ?
Je veux le réussir c’est tout ce que je me dis ! Et là, je fais tout ce que peux. J’ai toujours fait tout ce que je pouvais. Mais tu sens à l’intérieur de toi qu'il y a des dates plus importantes que d’autres. Et j’ai l’impressions que celle-là en est une. Quelque chose me pousse. Quoi ? Je l’ignore, comme toujours dans ces moments-là. Comme quelque chose m’a poussé à faire Napoléon, je n’ai pas été le maître de ma décision et quelque chose m’a poussé, au bon moment, aussi pour faire certainement le disque avec « je suis malade » ce qui m’a permis de devenir vedette.
Tu te vois arrêter un jour ou pas ?
Obligé. Mon corps va me condamner. C’est pas moi qui vais arrêter, c’est mon corps qui va arrêter. Parce que là il en a pris pas mal dans la gueule. Surtout que j’ai attendu pour me faire opérer et donc beaucoup souffert. La souffrance est usante, elle a duré 5 ans ce n’est pas très bon. Donc je tiendrai le temps que mon corps, lui, tiendra.
Est-ce que c’est quelque chose que tu redoutes ?
J’essaye de ne pas trop y penser et puis je me dis aussi qu’on est toujours prêt pour le moment, que la vie n'est pas si mal faite que ça. On est toujours prêt pour le moment qui doit arriver quand on sait vivre sa vie en la regardant droit dans les yeux. On sait très bien qu’un jour ou l’autre on va mourir. Donc aussi on sait très bien qu’un jour ou l’autre on va arrêter. Souvent j’en vois qui renâcle, si on prend l’exemple d’Aznavour. On va dire bon Charles il renâcle à arrêter pour des raisons que je peux comprendre. Sans doute peut être qu’il a peur de s’ennuyer, peut être, je ne sais pas, ou, il se dit qu’il peut encore mieux faire. Moi je garde toujours l’image de Reggiani pour ses 70 ans et c’est ça que je ne veux pas devenir par la suite.
Si on prend en parallèle ta carrière et celle de Michel Sardou. Tu ne te dis pas pourquoi lui est devenu la star incontournable, alors que tu as écrit autant de succès que lui ? Comment tu expliques ce décalage entre lui et toi ?
Je pense qu’il a su se servir des gens mieux que moi. Il est impitoyable dans sa façon de travailler. C’est ça ou rien. Il est très exigeant, très coléreux quand ça ne fonctionne pas. Moi, je me suis beaucoup laissé guider et je n’ai peut être pas toujours fréquenté les endroits à la mode où il fallait se montrer... On a connu des chanteurs qui ont invité des Présidents de la République chez eux. J’ai toujours vécu un petit peu en dehors. Moi, je ne suis que la scène. Je me suis battu et si je suis toujours là c’est grâce au public. C’est parce que le public m’a tenu debout. Le public a toujours envie de moi.
Est-ce que tu comprends Johnny qui lui s’accroche ?
Oui. Je ne peux pas juger quelqu’un qui décide de faire ce qu’il fait. Johnny vient de sortir un disque qui n’ est pas mal du tout. Il rattrape peut être une erreur qu’il a faite. Mais combien d’erreurs Johnny a fait dans sa vie ? Contrairement à ce que pensent les gens on avait l’impression tout d’un coup que Johnny venait de faire une erreur extraordinaire alors que toute sa vie il l’a passée à avoir des hauts et des bas comme tous les chanteurs. Johnny, par instinct, il fait toujours les choses qu’il faut faire pour préparer des événements, arroser le maximum de médias possible. Moi maintenant j’essaye de me rapprocher le plus de ça pour simplement exister, faire comprendre je fais les choses avec le cœur.
Tu aimerais écrire pour qui ?
Tout le monde ! Je suis entrain de travailler avec Christophe Maé. J’espère, même si je n'en suis pas sûr, que la chanson qu’on a faite sera sur son disque. Il est venu à la maison, on a fait un truc qui nous a plu à l’un et à l’autre. J’ai toujours regretté de ne pas écrire pour Johnny. J’ai des textes très forts que j’ai écrits pour lui et qu’il chanterait à merveille. C’est prétentieux ce que je dis, mais je le pense.
Qu’est-ce que ce métier, hormis le public, t’a apporté vraiment en tant qu’homme ?
Il m’a apporté le contentement de satisfaire un désir d’enfant. Par exemple, le 11 février prochain on dit : "il va fêter ses 70 ans de carrière, ses 50 ans de chansons", mais en fait, pour moi je vais rendre hommage à ce môme de 11 ans que j’étais qui ne pensait qu’à ça du matin jusqu’au soir.
Qu'est-ce qui te manques le plus ?
Je ne sais pas quoi dire. Tu sais au fond de moi j’ai un acte d’ennui qui ne s’en ira jamais. Je suis né avec. J’ai écrit une chanson un jour qui s’appelle : " Je suis nostalgique depuis le sortir de ma mère ", ce qui signifie que je ne suis pas nostalgique de mon enfance, de mon adolescence, ou de mes 20 ans, mais que je suis né nostalgique. J'ai l'impression parfois que tout ce que je vois, je l’ai déjà vu, comme si tout ce qui existe, je le sais déjà. Par exemple, je visite beaucoup mieux les villes par la télévision, au cinéma, que quand j'y suis physiquement, parce que je trouve que tout est petit. Ce manque me restera toute ma vie, c'est sûr. J’ai un manque de quelque chose qui n’est pas ici. Et que je n’aurai jamais ici. Même si je suis très heureux. Je suis dans la période la plus sereine de ma vie même si je crois que ce qui pourrait rimait pour moi avec le mot "bonheur", c’est... ailleurs, et je n’y peux rien.
S’il ne te restait qu’un jour à vivre que ferais-tu de cette journée ?
C’est une question difficile parce qu'évidemment on ne fera pas ce qu’on dit dans un moment comme ça. Je crois que je resterai seul avec une personne et j'en ferai venir quatre ou cinq quand je saurais que c’est vraiment le dernier moment.
Si tu avais une baguette magique tu changerais quoi chez toi ?
Je voudrais avoir le physique de Delon avec ce que j’ai à l’intérieur. Ne rien changer à l’intérieur, garder tous mes défauts parce que je me suis habitué à vivre avec, mais je n’ai jamais aimé mon physique et mon accident m’a abîmé davantage. D’ailleurs dans mes chansons on sent ce complexe physique qu’il y a chez moi qui est très fort.
Qu’est-ce que tu souhaiterais que les gens retiennent de toi avant tout ?
L’auteur rien que l’auteur.
Tu as une devise ?
" Aimer ce qu’on ne verra jamais deux fois".
Serge Lama vient de sortir un nouvel album best of dans lequel on retrouve tous ses tubes. Certains ont été réenregistrés puis réorchestrés. De vraies petites merveilles à découvrir. Plusieurs titres inédits y figurent comme "Des éclairs et des révolvers", et, incroyable, des chansons écrites à l’âge de 11 ans pour certaines ! ll fêtera sur scène ses 50 ans de carrière et ses 70 ans, le 11 février, où il sera, à l’Olympia, de 8 au 17 février 2013.
22:39 Publié dans 2013, La presse des années 2010 | Lien permanent | Commentaires (0)
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