17.06.2011
17 Juin 2013: Le devoir
Au lendemain du concert donné à Montréal dans le cadre des Francofolies
Serge Lama, la grande variété en personne
Admirable. Dès Serge Lama arrivé sur la scène de Wilfrid-Pelletier dimanche soir, tout était entre ses mains. Maîtrise absolue des effets, de sa gestuelle, des hausses de voix et des chuchotements, de son positionnement, du public même.
Admirable la manière qu’il avait de présenter ses musiciens et musiciennes d’emblée, dès l’entrée (guitares, percus, piano, accordéon, « quatuor de charme »), admirable la précision dans le rendu de chaque chanson : à toutes les deux minutes, notre homme posait un acte parfaitement calibré (avec une totale aisance), servant idéalement le propos, et je me disais et me redisais qu’on était bien chanceux de vivre ça encore. Ce qu’on appelle la variété, la grande, la très grande variété, qui doit à Chevalier autant qu’à Brel.
Il était épatant d’observer à quels moments il faisait dos à la salle (dans la grande tradition des Aznavour, Bécaud et cie), à quels moments, d’un seul geste, il imposait une participation, à quels moments il en mettait beaucoup ou presque pas : une sorte de naturel qui n’appartient qu’aux grands aguerris du music-hall.
Son public québécois le chérit, et c’est réciproque, le pacte d’amour a été passé il y a longtemps et souvent renouvelé depuis : le chanteur a toute latitude et le sait. Parce les gens savent que les succès seront au rendez-vous (de Femme, femme, femme à D’aventures en aventures en passant par Chez moi), intelligemment étalés dans un programme de 30 titres qui dure plus de deux heures. Lama peut plonger tête baissée dans les cinq décennies d’un répertoire bien plus riche que la vieille étiquette de séducteur vaguement égrillard que certains seraient tentés de lui accoler. Dimanche, aux FrancoFolies, il faisait non seulement la part belle aux chansons les plus intenses et attendues que sont Les ballons rouges, Les glycines, Mon ami mon maître, L’enfant d’un autre, mais il en sortait d’autres, aussi prenantes, de fort loin, Maman Chauvier, La fille dans l’église… Il pouvait laisser de côté quelques facilités, son Superman emprunté aux Kinks (Apeman), C’est toujours comme ça la première fois, La braconne, et personne n’a pensé qu’il oubliait des succès. Pas de cahier de charges dans ce qui se veut pourtant le spectacle d’une « tournée anniversaire » : le spectacle a pour titre « mes plus belles chansons », et tout est là. Entre les incontournables dûment affrontées et les contournées, l’équilibre n’était pas fortuit.
Lama, qui a eu 70 ans quelques mois avant Johnny Hallyday, pouvait bomber le torse : son spectacle est encore et toujours la grande leçon de savoir-faire de la chanson française.
Sylvain Cormier
08:10 Publié dans 2013, La presse des années 2010 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.