28.02.2009
28 février 2010: Le bien public
Articles parus dans le bien public suite au concert donné par Serge Lama au Zenith de Dijon le 28 Février 2010
Journal du 27 février 2010
La chanson, l'art de l'instant
Serge Lama a enregistré son premier 45 tours en 1964 et a repris à l'Écluse, en première partie de Barbara. Influence. Adolescent, Serge Lama lisait A. Rimbaud, Ch. Baudelaire, le marquis de Sade et S. Guitry.
Il tourne de ville en ville et s'arrête une nouvelle fois en Côte-d'Or, à Dijon, fin février. Au Zénith. Serge Lama est sur scène depuis près de cinquante ans.
Loin des grands éclats de rire dont il nous a habitués au fil des ans et des médias, l'homme est grave. Et analyser avec une lucidité non dénuée d'humour son parcours de chanteur, de parolier. D'écrivain aussi puisqu'il a été publié en 2007 chez Anne Carrière un livre de poésie érotique Sentiment, sexe, solitude. « En cinquante-deux ans d'écriture, c'est la première fois que je me sens aussi libre », écrivait-il alors.
Des mots pour le dire
Et il précise aujourd'hui : « Je suis de la génération de la littérature, des grands poètes. Au XXe siècle, on était encore dans la littérature.(...) Un livre, c'est émouvant. Quand on l'a en mains la première fois, il y a quelque chose qui se passe qui est de l'ordre du sacré. Même si on a aussi ce sentiment quand on reçoit la pochette du disque ! » Auquel s'ajoute aussi un sentiment de liberté : « Quand le public fait de vous une vedette, il vous définit. Il vous invite à refaire toujours la même chose. Et vous passez votre vie à avoir des contraintes ! ». Après s'être battu pour réussir... il s'est battu pour être libre.
Populaire
Alors « chanteur populaire », lui ? « Cela dépend du sens que l'on donne à ce mot. J'ai été un chanteur populaire à mes débuts. Je deviens un chanteur beaucoup plus élitiste. Mes chansons deviennent moins populaires, parce que mes mots ne sont plus compris de la même façon. J'exagère un peu, mais... Dans les Petites Femmes de Pigalle (NDLR : la chanson est sortie de 1973), par exemple, je dis : "Un voyou s'est vautré dans mon lit conjugal. Il m'a couvert de boue, d'opprobre et de scandale". Couvrir d'opprobre, à l'époque les gens comprenaient. Maintenant... » Ce qui ne l'empêche nullement, tout de suite après, de dire dans un sourire : « Mais les gens sont pris par la magie des mots mêmes s'ils ne les comprennent pas. C'était aussi le cas de la messe quand elle était dite en latin ! ». Puis de préciser : « Je ne me prends pas pour un grand poète. La chanson est un art de l'instant. C'est comme du poisson frais, une chanson. Des chansons éternelles, il n'y en a que très peu. Il faut qu'elles soient vraiment très bonnes. » L'homme est là. Lucide sur la valeur — indéniable — de son travail, chaleureux quand il parle de son public, et capable aussi d'asséner : « Nous ne vivons que dans le provisoire » avant d'évoquer une phrase de Marguerite Yourcenar : « Tout bâtisseur, à la longue, n'édifie qu'un effondrement ». Il n'a pas pu la mettre en exergue de son Napoléon (que les Dijonnais avaient pu applaudir en 1986). Mais il l'a toujours en tête.
C'est ce Lama-là que les spectateurs vont applaudir. Jouant des mots et des musiques, généreux avec eux mais aussi exigeant. Et qui impose sa liberté « extrêmement fragile, ténue, difficile à définir », mais essentielle.
Un disque en continuité
Son dernier disque, sorti en 2008, s'inscrit dans cette continuité de sensibilité et quelque part de mélancolie voilée. Un disque en forme de bilan, mais aussi à la destinée, annonce sa maison de disques.
RÉMY, JOCELYNE
Journal du 1er mars 2010
Amoureux sombre de la vie
Serge Lama entre en scène dans un noir presque total et entame son concert a capella. La voix légèrement éraillée, il chante ce qu'est être une star avant d'être rejoint par ses deux musiciens qu'il présente dès le début du spectacle : Philippe Hervouët à la guitare, Sergio Tomasi - célèbre accordéoniste de Barbara - à l'accordéon et aux arrangements musicaux.
Serge Lama en version intimiste donc, à l'heure de son bilan et de ses 67 printemps. L'artiste dépeint avec une certaine ironie, parfois un peu d'amertume et de mélancolie, un univers à la fois sombre et sobre. L'artiste reste fidèle à ce que l'on connaît de lui et enchaîne ses derniers titres - issus de son album l'Age d'horizons - et ses tubes les plus fameux, tels que les Petites Femmes de Pigalle ou Je suis malade.
Si l 'enregistrement des cordes et des percussions donne, à certains morceaux, un côté un peu artificiel, c'est quand il donne une teinte acoustique à ses chansons que l'artiste semble le plus à l'aise.
Son concert devient alors vraiment intimiste, les morceaux qu'il interprète prennent toute leur dimension, empreinte d'une mélancolie vivante et émouvante. L'interprète Serge Lama n'a rien perdu de sa verve et de son talent au moment où il choisit de chanter le bilan de sa vie, ses anciennes chansons éclairées par les textes des nouvelles. Et le public du Zénith de Dijon salue l'artiste debout, comblé par une prestation tout à la fois généreuse, drôle et mélancolique.
19:58 Publié dans 2010, La presse des années 2010 | Lien permanent | Commentaires (0)
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