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15.01.2009

15 janvier 1981 : VSD

medium_vsd.JPGVSD consacrait sous la plume de Jean-Pierre ENARD une double page à Serge Lama.

 

serge lama

 

Il donne 300 représentations par an et, l’été, 700 000 spectateurs viennent le voir

 

Serge LAMA

On l’appelle le forçat du gala

Par Jean-Pierre Enard

 

 

Trois cents soirs par an, Lama chante. Forçat du gala, il sillonne la France du nord au sud, s’arrêtent un jour ou deux dans chaque ville. Sauf à Paris, où il a rempli l’année dernière durant trois mois le Palais des congrès. Exploit qu’il compte bien renouveler à compter du 15 janvier prochain. De lui-même, il déclare :

 

- Je suis le Hinault du tour de chant. Moi, ce n’est pas le genou, mais la voix. Je me demande comment je tiens.

 

medium_VSD2.JPGAucun autre chanteur français n’a aujourd’hui ce contact permanent avec son public. On parle pourtant peu des tournées de Lama. Elles ne provoquent pas d’émeutes comme celles de Johnny ni de rassemblement de minettes en folie comme pour Sardou. Mais à la fin de la tournée, Serge Lama a été vu par 700 000 personnes dans les théâtres et les arènes ou sous son chapiteau. Alors, comment ça se passe, une tournée Lama ?

 

D’abord, avec le moins de surprise possible. Lama n’est pas de ces artistes dont on peut attendre le meilleur ou le pire. Comme certaines marques de vins, son show est garanti de qualité constante. Tous les soirs, à la même heure, il pousse les mêmes notes et accomplit les mêmes gestes devant, serait-on tenté de le dire, le même public. Un public composé à 70% de femmes. Pas des groupies, ni des mesdemoiselles Age tendre. Des femmes entre vingt-cinq et soixante quinze ans pour qui Serge Lama c’est un peu le cousin célibataire dont on imagine les frasques et envers lequel on se sent toutes les indulgences.

- Au début, j’avais aussi un public d’hommes, explique Lama. Maintenant, les femmes les empêchent de venir. Elles les laissent à la maison pour garder les gosses et elles viennent entre elles. Ou avec leurs mères.

Femmes dans la salle, femmes dans les coulisses. Quelques fans, qui le suivent de ville en ville. Quelques malignes qui réussissent à forcer un service d’ordre plutôt débonnaire. Mais ici non plus, il n’y a aucun débordement d’aucune sorte. Elles sont là, cela leur suffit. Et si le chanteur explique « que ce ne sont pas les occasions qui lui manquent », il ajoute aussi qu’il s’en méfie « car ces choses-là sont mauvaises pour les cordes vocales ».

- De toute façon, dit-il, je me garde des femmes. Il y en a peut-être une qui parviendra à me mettre le grappin dessus mais ce sera difficile.

 

Méfiance qui remonte loin, à son enfance et à sa mère.

 

- Mon père était chanteur d’opérette, à Bordeaux. C’est là que je suis né. En province, il n’était pas question pour lui de faire carrière. Nous sommes montés à Paris. Nous avons vécu pauvrement dans une chambre d’hôtel, en banlieue, à trois. A trois et demie, même, car souvent ma grand-mère habitait avec nous. Ma mère n’arrêtait pas de dire à mon père qu’il devait renoncer à son métier. Il a cédé juste au moment où ça commençait à marcher un peu mieux pour lui. J’avais douze ans. Ce jour là, j’ai décidé que moi, je serais chanteur. Envers et contre tout.

Lama le reconnaît volontiers, rien n’a été facile pour lui. D’abord, il a dû lutter contre sa mère qui l’a obligé à entrer dans une école de publicité.

- A dix-sept ans, j’en ai eu marre. J’ai quitté la famille. J’ai fait des tas de métiers inutiles puis j’ai été appelé en Algérie, pour faire la guerre. A mon retour, j’ai été engagé à l’Ecluse, un cabaret rive gauche. J’ai vite gagné ma vie en chantant. Mais je ne réussissais pas à devenir une vedette.

 

Ouis, il y a eu le fameux accident de voiture. Lama en garde des cicatrices et l’obligation de porter une bottine à tige, pour soutenir le mollet. Mais il a bien failli demeurer paralysé à vie.

 

- Je suis resté couché durant deux ans. J’en suis sorti par la seule volonté. Et grâce à l’aide de Marcel. Marcel, c’est son ami, c’est son maître. Un écrivain de romans populaires qui a aujourd’hui soixante-dix ans. Il a recueilli Lama chez lui.

- Je le connaissais depuis tout petit. C’était un ami de la famille. Il m’a aidé, c’est vrai, mais surtout il m’a communiqué sa philosophie. Il m’a donné le sens du temps. J’ai appris qu’on ne pouvait pas tout réaliser en un instant. J’ai trente-sept ans. Je ne suis vedette que depuis huit ans. Mais je sais que les années à venir travaillent pour moi et que je deviendrai bien plus important encore.

 

medium_VSD3.JPGUne journée de Lama en tournée, c’est réglé comme du papier à musique. Il se lève vers une heure, prend son petit déjeuner en regardant les informations à la télévision, puis pendant une heure ou deux, il fait de l’anglais.

 

- Ils me demandent, là-bas. Je vais commencer par faire un disque. Mais je suis l’homme d’une seule chose à la fois. Je me fixe un but et je ne le quitte pas de l’œil jusqu’à ce que je l’aie atteint. Apprendre l’anglais en tournée, c’est un effort très contraignant. D’autant plus que je pense à mon tour de chant à la rentrée. Je ne peux pas en même temps écrire de nouvelles chansons et travailler mon anglais.

 

Il traîne un peu jusqu’à quatre, cinq heures de l’après-midi, lisant ou regardant la télévision. Le tour de France, par exemple, le passionne. Il voit une ressemblance entre l’effort quotidien des coureurs et sa vie.

Puis, Simone Marouani, sa secrétaire, vient le chercher. Il est l’heure de gagner la ville suivante. Généralement, les étapes sont courtes : cent cinquante kilomètres au plus. On s’arrange pour arriver sers sept heures sur les lieux du spectacle. Tous les jours, Lam répète avec ses musiciens. Ici aussi, la tournée de Lama se distingue des autres. Le chanteur emploie très peu de monde : six musiciens, cinq ou six techniciens, toujours les mêmes depuis des années. Cela crée une ambiance familiale. En été, pendant les vacances, il y a du reste des gosses qui viennent suivre leur père pendant quelques jours. La femme du guitariste promène son bébé parmi les câbles, les projecteurs et les immenses baffles. Tout cela se passe avec gentillesse, bonne humeur, sans excès ni de colère, ni d’enthousiasme.

 

- J’ai très peu de monde avec moi. Cela explique que je sois un des rares chanteurs qui fasse des bénéfices avec ses tournées. Je demande quatre vingt mille francs par soir. Je règle les musiciens, les techniciens, le matériel et le transport… Une fois les impôts payés, il me reste six mille francs net.

 

Ce qui, au bout de l’année, représente une véritable fortune à laquelle il faut ajouter les ventes de disques et les droits d’auteur puisque lama écrit tous les textes de ses chansons.

 

- Je n’ai pas changé de vie depuis que je suis une vedette. Je ne dépense rien. Je n’ai pas de voiture. D’ailleurs, je ne sais pas conduire et je n’ai pas envie d’un chauffeur. J’ai une maison de campagne qui n’a rien de luxueux et un appartement de 110 m² près des invalides. Et encore, j’ai attendu de pouvoir le payer comptant pour l’acheter.

 

Alors que fait-il de son argent ? Rien. Il le place à la banque, dans un compte bloqué. D’abord parce qu’il se méfie des impôts qui ont frappé lourdement bon nombre de ses amis. Et ensuite parce qu’il ne veut pas d’habituer à un train de vie qu’il n’est pas sur de pouvoir mener longtemps.

Il dit cela et, en même temps, il éclate de ce rire homérique qui le secoue tout entier et impose le silence autour de lui. C’est cela, Serge Lama. Un mélange d’économie paysanne et une démesure qu’on devine un peu forcée. Malgré son admiration pour Brel ou pour Piaf, Lama demeure à l’opposé de ces deux grands parce qu’il est avant tout un prudent. Aussi l’imagine-t-on volontiers buveur et ripailleur. Pas du tout. Il observe un régime très strict. Le plus souvent, il retourne à l’hôtel après son tour de chant où l’attend un casse-croûte léger. Parfois, dans certaines grandes villes, il s’offre un bon repas avec sa troupe. C’est relativement rare. Et il n’est pas de ceux qui épluchent les guides gastronomiques pour trouver le restaurant où il faut aller. Lui, il serait plutôt du genre bistrot pas cher et sympa. Dans ces cas là, il s’autorise à forcer un peu sur la bouteille.

- Toujours du vin, Jamais d’alcool.

Et il discute avec les copains. De tout. Du métier, bien s^r. Des femmes, avec lesquelles il ne cesse d’être en guerre. De politique.

 

Le chanteur refuse les étiquettes. Il se défend d’être giscardien ou chiraquien. Mais il vient d’inscrire à son répertoire une chanson sur de Gaulle où il explique qu’il y a dix ans que « papa est parti » et que c’est « aujourd’hui la chienlit… »

 

- Je dis que nous avons besoin d’un chef pour unir le pays. Nous ne sommes pas gouvernés. Je suis patriote et je n’ai pas honte de le crier.

medium_VSD1.JPGSi on lui fait remarquer que ces théories peuvent mener assez loin et qu’après tout, Hitler et Staline étaient aussi des chefs, il s’emporte. Mélangeant les problèmes de la politique avec ceux de sa profession, il se met en colère contre ceux qui louent Charlebois et les Québécois tout en se moquant un peu de lui quand il chante « papa ». D’ailleurs, il a déjà trouvé mieux que « papa », mieux que tous les autres. Avec le plus grand sérieux, il déclare :

- Moi, je voudrais être le pape.

 

En attendant, il y a la question, la fameuse, celle que tout le monde se pose : et Sophia Loren ? Lama s’échappe dans un éclat de rire :

 

- C’est une très bonne amie. Mais c’est comme à la douane : je n’ai rien à déclarer.

 

 

 

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