10.02.2009
10 Février 2007:Journal de Quebec
"J'AI ATTEINT L'ÂGE DE LA LIBERTÉ"
Serge Lama a lancé une bombe en publiant Sentiment, sexe et solitude, un recueil de poèmes où le chanteur de charme ne mâche pas toujours ses mots.
"Je suis content, dit-il à l'autre bout du fil, qu'on met le mot poésie en lumière. À l'époque, Alphonse de Lamartine et Victor Hugo étaient de véritables stars. Nommez-moi un poète qui a maintenant ce statut !"
Pendentif trois mois, Serge Lama a fait une tournée québécoise qui s'est terminée quelques semaines avant les Fêtes de fin d'année. Son livre est sorti au début de janvier, en France, et il y a quelques jours, au Québec. Serge Lama poursuivra, par ailleurs, sa tournée de spectacles en France pendant les trois prochains mois. En attendant, la promotion de son livre bat son plein et enflamme quelques journalistes aux partis pris polémistes.
DU SEXE DUR
"Il y a tout au plus 40 poèmes durs qui ont retenu l'attention sur 300 autres, dit-il. Je n'avais pas envie d'écrire ma vie comme d'autres chanteurs le font. Dans ce genre biographique, on finit toujours par masquer la vérité, car on ne peut nommer les gens. Ça ne me disait rien, dit-il de sa belle voix grave. Depuis que je suis petit, dès mes dix ans, j'ai toujours été passionné de poésie."
Depuis qu'il écrit, une quarantaine d'années, Serge Lama a amassé des kilos de textes pamphlétaires et érotiques qu'il laissait là dormir au fond des tiroirs, au grand dam de sa femme. Il en a fait le tour, comme on fait le tour de sa vie. Sentiment, sexe, solitude sont les aspects auxquels il s'est attardé au long des pages de son petit livre auquel les lecteurs réservent déjà, selon lui, un très bon accueil.
"L'amour et le sexe, l'amour et le diable, il y a là matière à beaucoup de versification. Si j'avais eu à enlever les 40 poèmes jugés plus durs, j'aurais eu l'impression de me trahir. Personne ne disait rien quand Gainsbourg le faisait. Ce n'est pas nouveau. Musset et Baudelaire ont écrit des poèmes érotiques. Je ne me prends pas pour un grand poète, mais j'ai voulu cet éventail."
Comme compositeur, Serge Lama se conforme aux mots. La musique, par ailleurs, peut donner un sens différent à des mots.
LA LIBERTÉ
Le poète, en proposant son recueil de poèmes, laisse le choix aux gens de le lire. "L'auteur offre une liberté totale au lecteur, tout en jouissant lui-même d'une aussi grande liberté."
Lama avait depuis longtemps choisi de s'offrir un tel cadeau. "Un artiste, dit-il, cherche toujours à s'accomplir. À 60 ans, j'ai atteint l'âge de la liberté. J'avais envie de le faire. Au long des années, j'ai réalisé tous mes rêves."
Coquins, polissons, amoureux, profonds ou littéralement durs, les poèmes de Serge Lama composant le livre de chevet pour les amoureux qui n'ont pas froid aux yeux. S'il ne fait pas l'unanimité chez tous, Lama n'en fait pas de cas.
"Je suis habitué à me battre. Je suis un chanteur populaire qui a toujours eu du mal avec la critique. J'ai reçu des insultes lorsque j'ai présenté Napoléon. Le succès est venu après. Je viens d'un univers qui a "Toujours marié les variétés et l'opéra. C'est l'inspiration que la vie m'a donnée. Avec ce livre, je vais dans ma vérité. À ma façon, je résiste à la déforestation du langage."
MANON GUILBERT
Un deuxième article , même auteure même journal
POÉSIE SANS CENSURE
MANON GUILBERT
La soixantaine devait sonner l'heure de toutes les libertés ; il se l'était d'ailleurs promis à lui-même. En respectant cette promesse, Serge Lama touche deux fois plutôt qu'une l'interdit.
Sentiment, sexe, solitude n'est pas un récit autobiographique. Il s'en défend pourtant à peine. Serge Lama confie qu'il est celui d'un ex-adolescent qui s'est livré fréquemment, avoue-t-il franchement, aux plaisirs solitaires. Les œuvres interdites des grands poètes et romanciers, Apollinaire, Verlaine et plusieurs autres qu'il lisait en cachette deviennent, quelques décennies plus tard, ses maîtres à penser.
Ces trois S lui permettent de faire le tour de sa vie. Textes sentimentaux, érotiques et plus sombres lorsqu'il se retire dans sa solitude, les poèmes de Serge Lama n’ont pas subi de censure. Rarement a-t-on vu un chanteur populaire faire fi avec autant de désinvolture des réactions et pousser la plume avec autant de conviction.
"Dans mes boîtes et mes tiroirs, il y avait trois fois plus de poèmes que ceux que j'ai choisis de publier. J'ai d'abord et avant, tout en révisant tout ça à chercher un équilibre. C'était, dit-il, le but du jeu. Je laisse, par ailleurs, une liberté totale au lecteur. Il les lit, il passe à un autre. Comme poète, c'est quelque chose de différent. Le chanteur, par ailleurs, doit toujours s’accorder à la musique."
LE RISQUE
Serge Lama a pris une nouvelle fois le risque de déplaire, d'être mal perçu. Pour lui, tout ça fait partie de son travail d'artiste. Chaque jour, il rechoisit l'aventure et est très fier d'avoir visité une avenue dont la perspective lui avait été bloquée pendant les dernières décennies par son métier de chanteur.
"Pendant 52 ans, j'ai écrit. Cette fois, je vais vraiment dans ma vérité. Je n'ai pas voulu succomber à la censure. C'est vrai, tout le monde est surpris. Mais lire est un acte qui se fait dans la solitude, un peu comme l'onanisme. Je crois dans ce sens, si je n'étais pas un chanteur connu, on n'aurait pas permis une telle affaire."
MANON GUILBERT
11:51 Publié dans 2007, La presse des années 2000 | Lien permanent | Commentaires (0)
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