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27.01.2021

27 Janvier 2023:Figaro TV magazine

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Serge Lama : « La chanson vit des temps moroses »

Dans la galaxie de la chanson française, Serge Lama tient une place à part. Auteur prolifique, interprète des amours contrariées (Je suis malade), de la vie de Napoléon (une comédie musicale à succès dans les années 1980) ou de l'esprit français (Les petites femmes de Pigalle) et grande gueule, il a traversé cinquante ans de culture populaire. L'homme de scène s'est retiré en décembre dernier avec un ultime album (Aimer). Dans un très bon documentaire diffusé ce vendredi sur France 3, Mireille Dumas revient sur les 50 ans de carrière de cet artiste qui, malgré sa retraite musicale, fourmille de projets.

 

LEFIGARO.- Mireille Dumas et France 3 vous consacrent un documentaire ce vendredi intitulé «La vie à la folie». Malgré votre accident de voiture en 1965, les coups durs et les périodes creuses, vous avez toujours cru à la vie. Quel est votre moteur?

Serge LAMA.- C’est l’angoisse et la peur depuis mon accident de voiture qui m’ont forcé à passer au-dessus de moi-même et de me démultiplier en quelque sorte. Je suis devenu presque quelqu’un d’autre. Il fallait que je sois plus fort que la vie. C’est d’ailleurs pour cela que je m’arrête car il y a un moment où c'est la vie qui est plus forte que vous. J’ai vu des chanteurs qui s’arrêtaient trop tard. On voyait des choses sur scènes qui étaient très regrettables. Je ne voulais pas que ça m’arrive et chanter assis comme Charles Trenet

 

Votre dernier album est plutôt optimiste.Pour son ultime disque, MichelSardou parlait d'euthanasie, vous évoquez, vous, l'amour...

Je ne sais pas s'il est optimiste, mais c'est un album qui parle d’amour dans le grand sens du terme. «Demain est à nous» est un Ovni qui éclaire le disque et qui peut donner une saveur particulière . Je voulais laisser cela à mon public, d’autant plus qu'à cause du Covid, je n'ai pas pu me produire sur scène. Michel n’a pas le même tempérament. Vous savez, j'ai beaucoup parlé d'amour dans ma carrière. Et quand on est chanteur, on finit toujours par raconter la même chanson, mais différemment. On chante toute sa vie Les Ballon rouges, D’aventures en aventure. Ce sont toujours les mêmes thèmes car ce sont eux qui vous habitent.

Le documentaire passe en revue plus de 50ans de carrière. Quel regard portez-vous sur ces cinq décennies passées sur le devant de la scène?

J’ai eu beaucoup de chance. Car malgré la force et l’ambition, c’est quand même hasardeux de réussir dans ce métier-là. Il y avait des gens que je voyais démarrer et je pensais qu’il ferait carrière. Ils ont disparu aussi vite qu'ils sont arrivés. D’autres ont fait carrière alors que je n’y croyais pas. Ce métier n’a pas de logique à part le travail et la volonté

Mireille Dumas point votre qualité d'auteur, trop longtemps oublié...

Vous mettez le doigt sur ce qui fait mal : on n’a pas discuté le chanteur ni le phénomène Lama à l’époque ; mais ce dont on discutait dans les salons, c’était la qualité des textes qui n’était pas ce qu’on attendait. J’étais un chanteur de scène, j’écrivais pour interpréter ces chansons devant le public. La scène est un combat. Je menais ce combat 300 dates par an. Il fallait que mes chansons tiennent la route - c’est la bonne expression. La scène c'est le plus important pour un artiste. C'est un moyen de s'exprimer et de réinterpréter des chansons que le public connaît par cœur. Sur scène, je me détachais des chansons de l'album. Tous les soirs il y avait une âme différente et il faut chanter en fonction de cette âme.

Sardou,Mitchell, Hallyday... Dans la galaxie des chanteurs populaires, où vous situez-vous ?

Cela n’a aucun rapport : Eddy c’est un rockeur, Sardou le plus grand chanteur populaire avec Johnny. Je me suis maintenu sur une ligne de crête. J'ai tracé mon sillon avec un objectif : la langue française d’abord. Je n’ai jamais été influencé par les Anglo-Saxons.

La France de 2023 possède-t-elle un bon climat pour écrire?

Cela ne me paraît pas facile de créer aujourd'hui. On ne peut plus rien dire. Il existe un climat anxiogène car quand on dit des choses, on est attaqué par 25 associations. On ne dit plus des évidences, on fait du ni-ni. Ce n'est pas dans ma nature de rentrer là-dedans. On ne peut pas freiner la plume à chaque virgule par peur de choquer.

La culture française est en train de disparaître. On voit arriver des auteurs qui ne connaissent plus les mots et leur pouvoir qu'ils ont sur l'imagination ou sur le bonheur.

Serge Lama

On constate que la chanson peine à faire émerger beaucoup d'artistes qui parlent à toutes les générations. La variété française est-elle encore populaire ?

Je ne sais pas répondre à cette question. C’est ce qui se passe dans le métier actuellement, mais les choses peuvent revenir comme avant. Il suffit de deux trois qui sortent du lot et qui relancent la machine de la chanson populaire. La chanson vit des temps moroses depuis quelques années. Il y a du communautarisme culturel : chacun est dans son couloir. Je remarque aussi que l'on perd les mots. La culture française est en train de disparaître. On voit arriver des auteurs qui ne connaissent plus les mots et leur pouvoir qu’ils ont sur l’imagination ou sur le bonheur.

Quel conseil donneriez-vous à jeune chanteur qui commencerait dans le métier ?

Il faut qu'il se trouve un bon compagnon de route sur le plan musical et surtout qu'il chante français. Mais aujourd'hui, si vous chantez français, vous êtes banni des radios. C’est la scène qui donnera une chance. Vianney et Julien Doré sont les seuls qui restent à flot. Ils ont suivi cette bonne courbe-là. J’aurais espéré que d’autres viennent se greffer et cela fait un mouvement pour relancer la chanson populaire.

Dans votre disque il y a une chanson très d'actualité «Le retraité» où vous écrivez : «Je me sens inutile».Vous annoncez depuis quelques mois que vous prenez votre retraite. Vous allez revenir comme Sardou ou Polnareff...

Non, car moi je tiens mes promesses (rires)

 

 «Serge Lama, la vie à la folie», de Mireille Dumas. Vendredi 27 janvier à 23h10 sur France 3.

 

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