02.08.2012
2 Aout 2014: Nouvel observateur
Serge Lama : ce que Charles Aznavour m'a appris
Rendez-vous tous les week-ends pour la série d'été chanson : un artiste nous raconte ce qu'un autre lui a appris. Aujourd'hui, Serge Lama dit son admiration pour Charles Aznavour, roi de l'épure.
J’ai beaucoup appris de Charles Aznavour, qui avait lui-même appris d’Edith Piaf des choses essentielles. Sur scène, si l’on a besoin d’un geste, on le fait. Quand on a besoin de deux gestes, éventuellement on les fait. Cependant, si on peut s’en passer cela signifie que la chanson est bien écrite, qu’elle a un auteur à la hauteur, que les mots que vous prononcez sont suffisants. Un geste ne doit venir que par nécessité. Il n’y a rien à ajouter, juste à interpréter. Faire le moins de geste possible, avec l’âge, tous les artistes y viennent, les peintres et les chanteurs. Nous allons tous de plus en plus vers la sobriété, l’épure, et cela Charles me l’a bien appris.
Si vous regardez Edith Piaf à l’époque, j’ai eu cet honneur quand j’étais petit, elle fait au maximum deux gestes pour ponctuer sa chanson, souvent pour la terminer, comme pour achever le travail. Comme sa petite danse à la fin de "La foule". Elle ne la fait pas avant, juste à la fin. C’est extraordinaire. Charles le fait merveilleusement dans "Comme ils disent", où il ne fait quasiment pas de gestes. A l’inverse, pour "La bohême", qui est une chanson descriptive, il peut se le permettre, à condition qu’ils soient précis et toujours au même moment.
J’ai beaucoup observé Charles au début des années 60, a l’époque où à l’Alhambra il chantait pour les première "Je m’voyais déjà". A cette époque, il n’était pas sobre : il tremblait, il bougeait, il dansait. Il était très expressif, très expressionniste. Peu après, quand je suis revenu du service militaire, je l’ai revu pour constater qu’il avait tout gommé, il était arrivé à cette épure. Je pense que c’est vers elle qu’il faut tendre.
Propos recueillis par Sophie Delassein – Le Nouvel Observateur
Serge Lama sera à l’Olympia du 26 au 29 mars 2015.
23:15 Publié dans 2014, La presse des années 2010 | Lien permanent | Commentaires (0)
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