01.03.2009
1 Mars 2011: Ouest France
Serge Lama : « Je suis étrange, fantaisiste et tragique »
-
Accompagné de son ami l'accordéoniste Sergio Tomassi et du guitariste breton Philippe Hervouët, Serge Lama, artiste sensible, auteur d'un nombre impressionnant de tubes graves ou légers, est à retrouver dimanche sur la scène de l'Avel Vor à Plougastel-Daoulas.
Claude Gassian
Son premier album, D'aventures en aventures, est paru en 68. Chanteur puissant et littéraire, il écrit ses textes, légers ou graves, « avec le même souci de perfection ».
Entretien 68 ans, 47 ans de carrière, toujours en forme ?
Je le dis carrément dans une nouvelle chanson : J'arrive à l'heure où même vivre/est fatiguant » À mon âge, c'est le présent qui est l'avenir. Avant, je me projetais dans le travail sur cinq six ans. Maintenant, c'est au jour le jour. La scène, c'est aussi un terrible exercice physique. Je suis esclave d'un corps resté traumatisé par mon accident de voiture (en 1965, sa compagne, la pianiste Liliane Benelli, y a perdu la vie. Anéanti, Serge Lama mettra plus d'un an à remarcher, NDLR). Pourtant, en 2011, je refais une tournée, l'Olympia. Je rencontre des gens pour lesquels je suis un personnage familier. Ils ressentent ce plaisir de retrouver une voix qui les raccorde à leur passé, à leur enfance. Ça vaut le coup. J'entends : « Ce Lama, il est toujours là ! »
Quel genre de chanteur êtes-vous ?
Je suis un chanteur généraliste. Je chronique la vie des gens. Je suis un chanteur de variétés. Mais pas show-biz. Surtout, je suis un interprète au service de mes textes. Gais ou tristes, je les écris avec le même souci de perfection. J'ai commencé avec la génération yé-yé, qui ne me correspondait pas du tout. Quand je suis devenu vedette, dans les années 60, le chanteur, devant, prenait toute la place. Il s'est écoulé beaucoup de temps avant que l'on réalise à quel point je suis un auteur littéraire. Réécoutez Les Glycines... J'aime les climats poétiques. Mais j'ai aussi des chansons rigolotes, aux refrains populaires. Comme je suis étrange, à la fois fantaisiste et tragique, on m'a collé, solution de facilité, une étiquette de futilité. Qui a occulté la mélancolie qui me caractérise. Je suis nostalgique d'un paradis qui serait avant la vie.
Votre fameux rire, alors, pas si joyeux ?
Une image de moi fabriquée par la télé. C'est, au contraire, un rire de défense. Et de timidité aussi. Bien que plutôt noir et désespéré, j'ai toujours donné le change. C'est en réaction à un ennui profond que je suis devenu Serge Lama. J'aime aller au fond des choses. De la gravité à la gaudriole, du front soucieux à l'exubérance. Femmes, femmes, femmes est une chanson très représentative de mon paradoxe : toujours le cul entre deux chaises !
Que représente, pour vous, la célèbre chanson Je suis malade ?
C'est une chanson capitale, mythique, miraculeuse. Un monologue de tragédie, digne du Cid. À l'époque, j'étais très amoureux : j'avais déjà le refrain ! Alice Dona a fait la musique. Ensemble, on a créé un état d'âme. Imposer Je suis malade à ma maison de disque fut une bataille titanesque. Titrer, en plus, ainsi mon album ? Je devais totalement manquer de lucidité ! Quel clash, j'ai failli en perdre mon contrat ! Vous connaissez la suite, un tube énorme, repris par de formidables artistes. Autre chanson fédératrice, L'Algérie, j'ai dû aussi lutter pour l'imposer. Et elle a tout de suite connu un énorme succès. Qui m'a moi-même étonné. Quelquefois, il faut oser. Ne pas écouter son entourage. Prendre éventuellement le risque que le succès s'arrête.
Et, parmi vos nouvelles chansons, laquelle vous plaît particulièrement ?
À mon avis, l'album L'âge d'horizons (mon 18e !) est le plus réussi depuis longtemps. Sans être très connues, ses chansons accrochent immédiatement le public. Je suis fier d'une petite chanson érotique, Objets hétéroclites, qui évoque toute une panoplie de « sex toys ». Je me suis régalé, je l'ai écrite pour les mots, en évitant tous les clichés. Elle dit : « Je te propose des objets hétéroclites,/d'oblongs ivoires, des engins [...] À vocation de troglodytes/une forêt de capucins,/tu te fais l'amour,/au gré des frissons qui te parcourent,/Privilège exquis,/Tu peux décider avec qui. »
Recueilli par Frédérique GUIZIOU
09:26 Publié dans 2011, La presse des années 2010 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.