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19.12.2023

19 décembre 2025 : Le Figaro

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« Baudelaire et Rimbaud, je les aime depuis toujours »: Serge Lama parle de son album Poètes

Par Bertrand Guyard

 

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RENCONTRE - Le chanteur et parolier D’aventures en aventures a été influencé par la beauté de l’écriture des plus grands virtuoses des mots de la langue française qu’il a rassemblés dans un florilège unique.

 «Voici des fleurs, des fruits, des feuilles et des branches/ Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous...» En l’an 2000, déjà, Serge Lama avait posé sa voix et une musique sur les vers sublimes du Green de Charles Verlaine. Aujourd’hui, il vient de finir un rêve qu’il poursuit depuis son adolescence: rassembler les mots des plus grands enchanteurs de la langue française dans un seul florilège, intitulé tout simplement Poètes.

Les thèmes de rêveries et d’abandon - qu’il aura choisis avec soin pendant plus d’un an - reprennent les idées qui ont inspiré, parfois inconsciemment, ses chansons: l’éternel azur de Mallarmé, les merveilleux nuages de Baudelaire, Le Bateau Ivre de Rimbaud, Au lointain temporel de Paul Valéry, Dites-le-lui pour moi de Ronsard, Words, Words, Words de Shakespeare (la seule belle entorse au génie de la langue de Molière), Ce que vivent les roses de François de Malherbe, Au même endroit du rêve de Victor Hugo, D’or et de feu toujours d’Hugo, et On ne badine pas avec l’amour inspiré, bien sûr, par Musset.

Serge Lama qui a chanté et aimé, en pensant à Édith Piaf, «... Les ports de l’Atlantique et cette odeur de fin d’amour que dissipe le petit jour...» savait que comme pour ses chansons, la musique devait, en filigrane, accompagner les phrases, les mots, les vers qu’il avait élus. Un jeune musicien, Augustin Charnet, a servi de chef d’orchestre et de compositeur à cette symphonie. Avant de nous accorder, chez lui en compagnie de son épouse Luana, une interview, Serge Lama a insisté pour que nous n’oubliions pas de rendre hommage à «son travail d’écrin poétique indispensable». C’est fait!

LE FIGARO. - Vous semblez tenir beaucoup à l’album Poètes . Pourquoi ?

SERGE LAMA. - Parce que j’y pense depuis l’enfance! À onze, j’étais fou de Baudelaire, de Mallarmé, du Bateau Ivre de Rimbaud. Je les aime depuis toujours. Avant de devenir chanteur, j’ai été un parolier. Et tous ceux qui sont présents dans ces petites récitations m’ont nourri. Le succès m’a empêché, finalement, de me consacrer à un disque de poésie. Car il faut du temps pour les redécouvrir, pour ressentir, leur beauté et leur rythme.

La poésie pure est-elle différente de la chanson, de vos chansons ?

Oui un peu. Lamartine, Ronsard avant lui, Hugo, Nerval, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, et même Aragon qui écrit au XXe siècle, n’attendaient rien de la musique parce qu’il n’écrivait pas pour être chanté. La mélodie est inhérente à leur versification, aux choix des noms, des adjectifs. Ils m’ont fait aimer la poésie mais quand j’ai dû prendre des modèles, j’ai suivi plutôt mes aînés, Brassens et puis Brel. La chanson est portée par la musique. J’ai l’habitude de dire: c’est comme un bateau. La voile et le vent, c’est la musique. Les paroles c’est le bateau. Le barreur, c’est le chanteur. C’est celui qui essaie de conjuguer tous ces éléments. C’est un art pas toujours facile.

Vous n’avez pas été tenté, à l’instar de Serge Gainsbourg pour Baudelaire, de chanter les poèmes de votre anthologie...

C’est un disque très musical, vous savez. Si Augustin Charnet n’avait composé sa musique planante, avec des vers qui arrivent comme ça, qui partent de partout comme des bateaux, comme des vaisseaux chargés épices, l’album aurait ressemblé à un ensemble disparate. Son travail le fait vivre. C’est la grande réussite de ce disque qui est fait pour les gens qui aiment la poésie. Je l’ai dit, comme les diseurs d’autrefois, par plaisir, pour donner un bel arbre à la poésie. C’est, en fin de compte, un objet d’art non identifié. En tout cas, je l’espère.

Dans les vers que vous récitez, on perçoit une forme de désespérance. Disent-ils un peu de vous ?

Quand Flaubert écrit, « La chair est triste, hélas! et j’ai lu tous les livres. Fuir! là-bas fuir!.. » ça me bouleverse et ça m’a bouleversé quand j’avais dix ans et que je me sentais seul parce que ma mère empêchait mon père de chanter. Ces vers sont terribles et on a envie de dire à Flaubert : “ Qu’est-ce que tu vas écrire après ?”. C’est extraordinaire (rire tonitruant).

La musique dans vos chansons cachait-elle un peu vos traumatismes ?

Dans Je suis malade pas trop! (rerire tonitruant). Mais c’est vrai que l’entrain du refrain des P’tites femmes de Pigalle, signé Jacques Datin, fait oublier que «Toutes les nuits j’effeuille les fleurs du mal», puis «la boue, l’opprobre et le scandale». C’est exactement pour ne pas tricher avec les mots que j’ai voulu être apparemment minimaliste pour donner un effet maximaliste.

Et si on vous demandait de composer le florilège des florilèges, quels vers choisiriez-vous? 

“Un seul être vous manque et tout est dépeuplé!” de Lamartine. Pour continuer, parce que je suis né à Bordeaux: “Je suis le Ténébreux,- le Veuf,- l’Inconsolé, le prince d’Aquitaine à la tour abolie...” Tous les vers du Bateau Ivre de Rimbaud. Et enfin Words, Words, Words de Shakespeare, pour le plaisir de devenir Laurence Olivier, rien qu’une minute!

*Serge Lama, Poètes, Warner, Parlophone

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