27.03.2009
27 Mars 2002: Libération
Serge Lama, du pareil au mieux
Symbole prégnant de la puissance vocale, Serge Lama s'est longtemps reposé sur ses attributs pour faire vibrer un coeur de cible essentiellement féminin. Après six ans d'absence discographique, le macho repenti effectue son premier véritable virage artistique. Son dernier album, Feuille à feuille, apparaît sans filtre ni effets démonstratifs. Délaisser le clinquant, c'est aussi pour Serge Lama exiger une attention nouvelle de la part des fidèles, quitte à se couper d'une partie de l'assistance. L'évolution s'est faite en douceur, au gré de concerts avec orchestre symphonique ou en formation réduite.
Incarnation de la chanson populaire des années 70, ce fils de chanteur lyrique méconnu s'est vu concurrencé dans son registre par une armée de voix masculines, voire féminines. Quand son ancienne maison de disques parvient à écouler en moins d'une semaine plus de 100 000 albums de Popstars ou de Star Academy, il a fallu plusieurs mois à Lama pour atteindre les mêmes résultats. Mais cet artiste, découvert par Barbara, suit sa voie depuis le milieu des années 60 sans se renier. Auteur, il a développé une écriture dont l'intimité de Feuille à feuille restitue à leur juste valeur les nuances du déchirement masculin. Comment retrouver cette approche minimaliste sur scène ? En divisant son tour en deux parties, sans entracte : d'abord par les succès plus confidentiels puis avec les tubes qui ont forgé son personnage de conquérant viril : Superman, les P'tites Femmes de Pigalle, Femme, femme, femme.
Cave enfumée. Dans les deux programmes, les titres du dernier album. C'est par une de ces chansons-là que Lama commence son spectacle : les Gens qui s'aiment. On entend en premier lieu la voix, avant d'apercevoir la silhouette du chanteur, 58 ans, le pantalon qui tombe mal, noir comme la chemise et la veste. Déjà les nuances du timbre épousent l'orchestration distribuée en quartet jazz. Sous ces lumières tirant vers le bleu nuit, c'est presque une atmosphère de cave enfumée à l'Olympia. Nicolas Montazaud joue de la batterie sur des percussions africaines. Réalisateur de l'album, il dirige trois musiciens se glissant dans les interstices de la partition : Serge Tomassi à l'accordéon, Yann Benoist aux guitares et Jean-Luc Arramy à la contrebasse et au violoncelle. Je voudrais tant que tu sois là (1977), puis Serge Lama s'adresse au public : «Je voudrais dédier cette soirée à monsieur Gilbert Bécaud, à qui cet endroit appartient» un hommage encore rendu par un duo sur l'album posthume de Bécaud. Les Jardins ouvriers, le Temps de la rengaine, l'Algérie, puis Une île : à pas sûrs, on approche la valse des gros succès jadis composés par Yves Gilbert et Alice Dona. Veste blanche et lunettes de soleil «Blues Brothers» : cette caricature sur Superman, pour amusée qu'elle soit, dénote un anachronisme dans les modes vestimentaires. Changement d'époque, les flambeurs s'habillent-ils encore ainsi? Heureusement, cet accoutrement sur fond de guitare saturée est vite remisé au placard.
«Femme...» Une nouveauté, Voici des fleurs (reprise avec une inversion de fruits en fleurs au premier quatrain de Green de Verlaine), annonce les Glycines. Extrait de Feuille à feuille, Quand on revient de là se savoure. Puis se succèdent D'aventure en aventure, Je t'aime à la folie, Femme, femme, femme, Je suis malade, la Vie simple et tranquille. Regroupées sur un best-of chez Mercury, ces chansons gagnent là en souplesse. Le texte se laisse entendre, fracas amoureux toujours rattrapé par le monde de l'enfance. Avait-on déjà pu jeter un tel regard sur l'univers de Serge Lama ?.
10:45 Publié dans 2002, La presse des années 2000 | Lien permanent | Commentaires (0)
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