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20.12.2012

20 Décembre 2014:Radio Fréquence protestante

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 Serge Lama était interviewé par Nicolas Castelnau-Bay le 20 Décembre à 21h sur radio fréquence protestante.

 

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PODCAST

 

Texte de l'interview

Cher Monsieur Serge Lama, je tiens tout d’abord à vous remercier de m’accorder cette interview et à vous dire tout ce que cela représente pour moi… J’ai consacré une trentaine de mes émissions hebdomadaires du Samedi soir depuis 2006 à diffuser vos chansons sur l’antenne de Fréquence Protestante… Il est fort probable que si je n’avais pas écouté et profondément apprécié dès l’âge de cinq ans vos chansons tout comme j’ai au même âge découvert et aimé la musique de Ennio Morricone, ma vie n’aurait pas été la même… Je vous ai vu pour la première fois sur scène quand j’étais adolescent à Marigny dans ce spectacle qui est à jamais l’un des plus beaux souvenirs de ma vie, j'y suis retourné quatre fois, votre « Napoléon » dont la musique composée par Yves Gilbert, les arrangements de Roger Loubet, la mise en scène de Jacques Rosny, votre interprétation et vos textes, tout était admirable… L’un de mes oncles par alliance, Jean-Philippe Ancelle jouait dans ce spectacle et grâce à lui j’avais eu la joie de vous rencontrer un bref instant… Fabien Ramade a réalisé notre rêve à tous en produisant le 17 Mai 2014 au Théâtre Antique d’Orange une version symphonique de ce spectacle. C’était magnifique et je tiens à dire que j’ai pleuré plus d’une fois ce soir-là, notamment lorsque le baryton Mickael Guedj a interprété « La retraite de Russie »… Il faut dire que j’étais assis au deuxième rang juste derrière vous et votre femme… J'ai même eu l'occasion de dire quelques mots à Madame Michèle Lama avant le spectacle. D’où la première question que je souhaiterais d’entrée vous poser, savez-vous si d’autres représentations de ce « Napoléon Symphonique » sont prévues ?

Serge Lama:Eh bien c'est en pourparlers, c'est en discussion, ce n'est pas commode à monter parce que c'est une production importante. Il est possible qu'il y ait une représentation à Juan-les-Pins en Juin prochain pour l'anniversaire des Cent Jours, du retour de Napoléon de l'île d'Elbe, et Fabien Ramade est en train d'envisager éventuellement de monter ce spectacle là , il ne sait pas encore sous quelle forme exactement, sur une scène, je ne peux pas encore vous dire laquelle actuellement, le Palais des Congrès éventuellement mais ce serait pour 2016 ou un peu plus tard...

À la fin de la préface de la très belle anthologie des paroles de vos chansons, intitulée « Un homme de paroles » qui sort aujourd’hui aux éditions Flammarion, vous dites en toutes lettres : « Je suis un homme profondément triste. » Cette tristesse liée à tous les drames que vous avez traversé(s), votre adolescence qui fut très difficile, votre terrible accident le 12 Août 1965 qui vous a marqué à jamais, puis celui de la mort de vos parents, le 14 Décembre 1984, a fait de vous un survivant. Et un héros,… pour moi comme pour des millions de fans, car vous avez toujours été un modèle de force, d’énergie, de volonté, de persévérance, de dignité, de courage… Dans les pires moments de ma vie ( comme beaucoup d'autres, comme tant d'autres, je souffre de dépression depuis de très nombreuses années), vous avez contribué à m'aider à tenir, aidé à me battre, aidé à ne pas sombrer, et je dirais même à survivre… Si il n’y avait pas en vous cette immense sensibilité, cette tristesse oui, mais surtout votre lucidité et votre force, peut-être n’aurais-je pas tenu le coup… Et ça je tenais vraiment à vous en remercier... Alors tout d’abord, pardonnez-moi d’avoir été un peu long, mais je tenais du fond du cœur à vous dire à quel point vous avez été un guide, un ami, un maître pour moi et à quel point je vous en suis à jamais reconnaissant… Alors voilà j’ai beaucoup parlé, j’aimerais puisque notre émission sera consacrée à votre livre vous demander ce que l’édition littéraire de cette première véritable anthologie de vos chansons, quasi exhaustive hormis malheureusement celles du spectacle « Napoléon », représente pour vous. Et je vous propose de prendre le temps qu’il faut pour que vous puissiez présenter votre livre aux auditeurs, en en rappelant le titre « Serge Lama Un homme de paroles – L’intégrale de mes chansons » aux éditions Flammarion , en précisant que c’est un magnifique livre relié de plus de680 pages, un très beau cadeau en cette période des fêtes de Noël, dont le prix est de 24,90 €

Serge Lama: C'est un livre que j'attendais depuis longtemps. Un recueil conçu par Cécile Barthélémy était sorti dans les années soixante-dix aux éditions Seghers mais évidemment il n'y avait pas beaucoup de chansons puisque je n'en avais pas écrit "des masses" à cette époque là. Cela fait longtemps, une dizaine d'années, que je rêvais de ça, un livre avec toutes mes chansons parce que d'abord avant d'être un chanteur, je me considère d'abord comme un homme de mots, un homme de textes. C'est peut-être là que je prends le plus de plaisir parce qu'il n'y a pas le même trac. Il n'y a pas toutes les angoisses inhérentes à la scène. Dans le travail d'auteur il y a véritablement le métier que peut-être j'aurais fait si le destin l'avait voulu. Si mon père avait chanté, si mon père était devenu au fond ce qu'il aurait dû devenir je n'aurais peut-être pas chanté, j'aurais peut-être été un auteur. La résultante ce n'est pas une "oeuvre" mais c'est la mise en forme, c'est la somme de cinquante ans de travail, je dirais même de soixante ans de travail, puisque j'ai commencé à écrire à dix ans. Je souhaitais que cela soit présenté de la meilleure façon qui soit. J'ai travaillé avec une assistante qui s'appelle Luana Santonino, parce que j'ai plein d'idées, je suis très rapide au niveau intellectuel, j'écris beaucoup, mais je suis assez désordonné. J'ai du mal à mettre en ordre les choses. Je tenais à ce que les textes soient lisibles, à ce qu'ils puissent être compris. Et donc elle s'est occupée de toute cette phase du travail, même pour les choses que j'ai écrites dans la préface et dans la présentation sous forme de douze parties thématiques dont je fais à chaque fois une présentation écrite. Je me suis rendu compte au cours de ce travail que les chansons disaient autre chose que ce qu'elles disent quand elles sont chantées. En relisant mes textes intégralement, pour ce qui est de ceux qui figurent dans ce livre je me suis rendu compte que les musiques changeaient véritablement complètement le sens et la direction d'une idée, la direction de ce que disent les mots. Ce n'est pas tout à fait une découverte mais ça l'était quand même un peu à ce point là. J'ai remarqué qu'au fond il y avait 98% de chansons vraiment tristes. C'est à dire que même mes chansons dites gaies, même "Femmes, femmes, femmes", même "Les petites femmes de Pigalle", même "Le gibier manque et les femmes sont rares" sont au fond de fausses chansons "gaies". Ce sont des ébauches de scènes de vie, mais en fait c'est un regard de quelqu'un de jeune, un regard plutôt critique et triste. Si je n'avais pas eu mes compositeurs il en aurait été tout autrement... Alors que l'on me prend à cause de mon rire pour quelqu'un de très, très, très rigolo, de très marrant, de très convivial ce que je peux être aussi, je peux dire que "le fond de l'homme est frais"...

 Alors justement nous allons reparler de ce rôle des paroles par rapport aux musiques, de ce rôle des musiques par rapport aux paroles...Ce livre se compose d’une longue préface où vous faites la part belle à bon nombre des grandes vedettes de la chanson et où vous abordez longuement les rôles respectifs des paroles par rapport aux musiques. La plupart des musiques de vos chansons ont été composées par Yves Gilbert et Alice Dona puis réarrangées et réorchestrées récemment par Sergio Tomassi, le formidable accordéoniste qui vous accompagne désormais dans tous vos spectacles… J’ai choisi six chansons que j’ai tenues à diffuser et dont je vous demanderai de dire quelques mots, des chansons qui me semblent importantes et qui le sont pour moi parmi toutes celles de votre répertoire. Mais tout d’abord j’aimerais que vous reveniez sur ces rôles respectifs des paroles par rapport aux musiques et vice-versa et que vous nous parliez de vos trois grands complices dans le domaine musical…

Serge Lama:Eh bien cela dépend comment on travaille. Quand j'écris les textes d'abord, ce qui est toujours le cas avec Yves Gilbert, Yves ayant beaucoup de mal à écrire les musiques sans avoir un texte qui l'aide pour travailler, il est évident qu'au départ les textes sont un peu plus littéraires. C'est à dire que c'est plus écrit. Pour donner un exemple précis je dirais pour les gens qui me connaissent un peu que pour une chanson comme "Les ballons rouges" je considère que la musique est un appui intelligent et subtil du texte. Yves Gilbert a su comprendre que le texte était très important et qu'il fallait le mettre en valeur. Et là la musique d'une certaine manière dans une chanson comme celle là est au service du texte. Il y a un certain nombre de chansons pour lesquelles c'est le cas. Il y a des chansons où la musique est mise en valeur par le texte. D'autres où la musique est d'un registre populaire qui demande un texte léger, un texte pas trop intellectuel, pas trop littéraire. Dans une chanson comme "Toi, c'est pas pareil" la musique compte presque davantage que le texte qui vient pour la porter. C'est un travail incessant. Parfois c'est "cinquante/cinquante". Pour "Je suis malade" je considère par exemple que la musique et le texte sont à égalité. La musique et le texte sont pour "Je suis malade" de même importance, les deux se supportent. Il y a aussi la part arrangeur qui est très importante. De nombreuses chansons n'ont pas été des succès parce que les arrangements ont été ratés au départ. Pour certaines il y a un "succès de malentendu": elles sont un succès à cause ou grâce à l'arrangement. Il y a beaucoup de facteurs qui font qu'une chanson a un avenir ou n'en n'a pas. C'est la façon dont est faite la musique, la façon dont est fait le texte, la façon dont est fait l'arrangement et ce que fait l'interprète qui est le troisième intervenant sur une chanson. Cela fait beaucoup de chances de ne pas réussir en fait. Car plus on met de possibilités et plus c'est difficile.

Vous écrivez dans votre préface : « Ma plume est sans appel, seules les mélodies donnent une chance à l’espoir. Alice Dona et Yves Gilbert, mes deux compositeurs principaux, aiment la vie. Moi, j’ai franchement du mal à répondre à cette question et c’est ce qu’on ressent à me lire si on se contraint à oublier les airs. »Vous nous avez déjà un peu parlé de votre travail avec eux… Peut-être pouvez vous revenir sur cette citation.

Serge Lama:Et bien je n'ai pas grand chose à dire de plus que ce que j'ai dit là. C'est vrai que quand on prend les textes à froid c'est plutôt mélancolique voir sinistre de temps en temps. Effectivement si Alice Dona ne fait pas cette musique qui est parodique dans "Le gibier manque et les femmes sont rares", il y a une petite phrase que les gens n'entendent pas où je dis "qui chantent pour faire gai ce refrain pas très distingué". Je suis en fait dans ce texte en état de critique. Je me souviens très bien ce qui m'a inspiré cette chanson là. C'était quand j'allais dans les Charentes quand j'étais môme chez des chasseurs que je voyais revenir avec tout leur gibier, avec leur contentement. Et moi cela me faisais de la peine. Je voyais toute cette masse d'hommes qui s'échauffaient avec les femmes, avec les servantes et tout cela c'est une peinture un peu paillarde d'un monde qui ne me sied pas tellement... Avec la musique d'Alice les gens n'entendent que "le gibier manque et les femmes sont rares" et ils tapent dans les mains. Ils prennent cela pour une chanson joyeuse alors qu'en fait c'est une critique sociale.

Il y a deux chansons de votre répertoire qui sont terriblement tristes, "La crise de nerfs" et "Ah!", dont la musique est extrêmement optimiste justement. En début d’émission nous avons écouté ce qui reste sans doute votre chanson la plus célèbre, « Je suis malade », dont la musique a été composée par Alice Dona, sans doute l’une des chansons qui décrit le mieux ce qu’est la dépression, en l’occurrence lorsque celle-ci est due à un chagrin d’amour, mais cela va même je pense au-delà… Parlez-nous de cette chanson…

 Serge Lama:La chanson surtout qui va encore plus loin c'est "Je voudrais tant que tu sois là" qui a été un petit succès et que les gens aiment beaucoup aussi. Mais "Je suis malade" c'est une chanson qu'effectivement j'ai écrite à l'époque où Michèle était loin de moi. C'était tout à fait au début de notre relation. Il n'était pas prévu qu'elle reparte. Elle travaillait au Club Méditerranée, elle était mariée. Elle devait rester à Paris avec moi et puis finalement cela ne s'est pas passé comme ça et cette phrase m'est venue "Je suis malade". J'ai essayé d'écrire des textes, mais je n'arrivais pas à trouver ce que je voulais dire à part "je suis malade". J'ai dit à Alice Dona avec qui je dinais un soir: j'ai écrit une phrase "je suis malade", je voudrais que tu m'écrives une musique d'abord et que tu me mettes "je suis malade" au refrain, et puis après je ferai le texte. Et c'est ce qu'elle a fait. Quelques jours après on s'est retrouvé par hasard à un rendez-vous où le journaliste n'est pas arrivé à l'heure. Comme on ne savait pas quoi faire elle m'a dit "tiens voilà j'ai écrit la musique pour ta chanson" et elle me chante l'air que vous connaissez. Dans l'instant le texte m'est venu et j'ai écrit la chanson le temps presque de la lire, je ne dis pas que je n'ai pas changé deux ou trois phrases après je ne m'en souviens plus mais le "gros" du texte a été écrit tout de suite. Heureusement que la personne avec qui nous avions rendez-vous était en retard sinon la chanson n'aurait peut-être jamais existé...

Le titre le plus récent que vous ayez écrit et enregistré s’intitule « Des éclairs et des revolvers »… La musique a été écrite par Sergio Tomassi. J’ai été bouleversé récemment, lors de votre concert à Saint-Quentin. J’étais au premier rang et il m’a bien semblé vous voir pleurer en l’interprétant, c'était un moment extraordinaire… Présentez-la nous…

Serge Lama:"Des éclairs et des revolvers" c'est comme un enfant sauvé des eaux. Sergio Tomassi avait écrit cet arrangement qui était destiné à une nouvelle version des "Ballons rouges" et quand j'ai essayé "Les Ballons rouges" sur cet arrangement que j'aimais beaucoup cela ne marchait pas du tout... On était à deux jours de la date à laquelle il fallait absolument rendre le disque, car pour un disque comme pour un livre il y a des limites, il faut le rendre à un moment précis. Je suis rentré désespéré en me disant ce n'est pas possible de sacrifier cet arrangement qui est magnifique... Il m'est arrivé ce qui m'est arrivé aussi pour d'autres de mes chansons... J'ai l'impression parfois que ce n'est pas moi qui ai écrit le texte et que c'est quelqu'un d'autre qui me l'a dicté. J'ai pris mon stylo et il m'est venu ce texte évidemment sur la découpe de la musique de Sergio. Je me suis dit que c'était quelque chose qui devrait fonctionner formidablement bien. Au fond c'était quelque chose que j'avais envie de dire depuis longtemps. Cela me tenaillait par derrière et cela m'a été imposé par le destin du fait que l'on n'ait pas pu mettre cet arrangement sur "Les Ballons rouges". Sergio en a fait une musique qui est une sorte de récitatif musical. "Des éclairs et des revolvers" fait un succès considérable tous les soirs. Je ne m'attendais quand même pas à ce que cela fasse un succès pareil mais je pense que c'est quelque chose que j'avais envie de dire et maintenant avec l'accueil du public je comprends pourquoi j'avais besoin de dire cela c'est parce que peut-être que le public avait besoin de l'entendre.

Il y a aussi dans votre répertoire un hymne bouleversant à la vie, « Je t’aime à la folie », que vous faites reprendre en chœur à toute la salle à chacun de vos concerts depuis de nombreuses années…

J’ai appris dans votre livre que, je vous cite, « le refrain de Je t’aime à la folie est entièrement d’Yves Gilbert, paroles et musique, je n’ai fait (dites-vous) que les couplets. Jamais il ne me serait venu à l’idée d’écrire un hymne à la vie et du reste la première version était en partie nostalgique. » C’est d’ailleurs cette première version à laquelle je suis très attaché que j’ai tenu à diffuser dans cette émission. Je parlais longuement au début de cette émission de cette force que vous donnez à votre public… Malgré cette tristesse et j’irais presque jusqu’à ajouter indissociablement d’elle… J’aimerais donc vous demander avant que nous écoutions « Je t’aime à la folie » au fond quel est votre secret… Comment vous, qui vous définissez-vous même comme un homme triste réussissez-vous si génialement bien à nous donner malgré la douleur inhérente à ce qu’est la vie, à la vôtre en particulier, autant d’espoir?…  même quand vous chantez « Je suis malade » ou « Des éclairs et des revolvers » qui sont pourtant des chansons désespérées… Il me semble que cette célèbre citation d’Alfred de Musset, « Les chants désespérés sont les chants les plus beaux », que vous reprenez dans une de vos chansons de jeunesse serait une parfaite définition de votre univers… Sauf que vous, vous réussissez avec ce talent admirable qu’est le vôtre à nous aider tous à ne pas sombrer dans la désespérance, malgré votre côté si sombre effectivement, malgré tous les drames de votre vie que vous portez en vous et que vous transcendez à merveille et sans doute plus que jamais quand on vous voit sur scène…

 Serge Lama:C'est ce que l'on appelle l'énergie du désespoir. C'est à dire que j'ai l'énergie, j'ai une énergie hallucinante par moments malgré ma fatigue, malgré tout ce qui m'est arrivé. Je pense que c'est cela qui passe sur scène parce que des gens m'ont écrit qu'ils étaient malades et que grâce à mes chansons ils avaient réussi comme vous le dites vous-même à s'en sortir. Parce que bizarrement il y a dans mes chansons comme "Je suis malade" quelque chose d'autre qui passe et puis il y a un reflet aussi. Les gens qui sont dans des conditions difficiles, dans un hôpital, entendent soudain une chanson dans laquelle quelqu'un dit ce que eux n'arrivent pas à définir et que tout d'un coup quelqu'un dit pour eux avec les mots qu'ils ont envie d'entendre. À ce moment là cela apporte peut-être comme une sorte de guérison je suppose... Je suis mal placé pour le dire mais je suppose que c'est beaucoup, beaucoup mon énergie naturelle qui fait la différence parce que sans cela mon tour de chant serait peut-être insupportable...

 Et je dirais que justement c'est peut-être ce désespoir indissociable de votre force qui fait du bien aux gens et c'est cela peut-être qui fait de vous l'artiste que vous êtes.

Serge Lama : Oui c'est difficile à définir pour moi. Mais je vais dire une phrase un peu sibylline: il y a de la gaieté dans ma tristesse. Dans mon désespoir il y a une forme de gaieté complètement paradoxale que je transmets sur scène. Et puis je suis devenu aussi avec le temps un comédien, un acteur, beaucoup plus que je ne l'étais à mes débuts et tout cela s'est décuplé avec les années, c'est sûr ça...

 Nous sommes sur une radio religieuse, Fréquence Protestante. Dans votre livre où vous avez classé vos chansons en douze rubriques dont j’aimerais laisser la surprise aux lecteurs, je tiens quand même à dire que l’une de ces rubriques porte le titre « Une certaine idée de Dieu ». Dieu et la foi sont un questionnement souvent présent dans votre œuvre. Pour dire quelques mots à ce sujet, j’ai choisi une de vos chansons les plus pures, les plus simples et les plus belles « L’enfant au piano », musique de Yves Gilbert. Parlez-nous de ce que Dieu représente pour vous…

Serge Lama:Dieu est déjà la seule forme d'espoir qu'on essaie de nous enlever depuis déjà plus d'un siècle, puisque les philosophes s'y sont employés ainsi que beaucoup de gens à la radio. Je pense que l'idée de Dieu est nécessaire à l'être humain car au fond la seule chose dont on est certain quand on arrive sur terre c'est qu'on va mourir. Ce n'est pas forcément réjouissant au départ, on peut avoir envie de vivre si on aime la vie. Et puis même si on ne l'aime pas il y a quelque chose dans la vie qui vous tient. Dostoïevski a écrit dans Les Frères Karamazov: "Si Dieu n'existe pas alors tout est permis. Même le crime." Alors j'ai toujours gardé en moi cette idée de Dieu à laquelle je me raccroche. Je crois en des choses qui ne sont pas forcément évidentes pour les gens. Je crois en la réincarnation. Mon ami Marcel Gobineau que j'appelle "Mon ami, mon maître" dans une chanson était voyant. Il m'a dit des choses incroyables sur ce qui allait m'arriver. S'il n'y a pas des choses un peu paranormales, un peu surnaturelles par moments qui surviennent comment aurait-il pu "voir" tout cela. Alors c'est vrai je suis quelqu'un qui a toujours un regard vers le Haut...

 Alors nous approchons déjà de la fin de cette émission. En cette période de fêtes de fin d'année qui est très difficile pour ceux qui souffrent de solitude car Noël qui est une période d'espérance peut être aussi une période de détresse, pour essayer d'apporter cette espérance aux auditeurs, j’aimerais terminer cette émission par deux chansons qui me touchent très profondément, dont "Mon ami, mon maître" que vous venez d'évoquer. Mais tout d'abord j’ ai choisi une chanson que je ne peux jamais écouter sans pleurer, une que j'aime passionnément, c'est ma chanson préférée de vous en dehors de toutes les chansons de votre album "Napoléon" que j'adore. Il s'agit de « Souvenirs, attention, danger », sur une musique composée par Tony Stéfanidis. C’est peut-être celle qui m’émeut le plus… À tel point que moi qui vous ait si souvent vu sur scène, que ce soit à Paris ou en province, c’est la seule que je ne peux pas m’empêcher de chanter aussi le plus discrètement possible quand vous l’interprétez… Racontez-nous son histoire, l’histoire de « Marie-Louise » et du « Vieux Cheval »…

 Serge Lama:C'est une chanson par bribes autobiographique comme toutes mes chansons d'ailleurs. C'était un lieu où j'allais en vacances tous les ans à partir du moment où je suis monté à Paris. J'avais sept ans et demie. J'ai été pendant trois ou quatre années en vacances près de Bordeaux dans une banlieue qui est maintenant la banlieue de Bordeaux. À l'époque c'était la campagne. Eysines. Bruges. Ceux qui sont du coin verront ce que je veux dire. Et là j'ai été reçu par des gens délicieux, des paysans, des maraichers et j'y ai vécu certainement les moments les plus beaux et les plus heureux de ma vie. Il n'y a pas tellement de moments où je peux dire que j'ai été heureux et là je suis presque certain que je l'ai été. Les vacances étaient assez longues et cela me faisait trois mois de bonheur tous les ans. La soeur de la personne qui me recevait avait une fille un tout petit peu plus jeune que moi, elle devait avoir un an ou deux de moins que moi et c'est elle que je poussais avec l'escarpolette, avec la balançoire. Et donc c'est un peu aussi les vacances dans le Sud-Ouest, c'est-à-dire c'est la mer, c'est l'océan, vers Lacanau Océan, vers toute cette enfance que j'ai gardé là-bas qui est exprimée dans cette chanson et tout le bonheur de ces gens là que j'ai quitté et qui représentent peut-être la seule image de bonheur que j'ai eu vraiment dans ma vie et qui me revient dans cette chanson... Là-bas... Là-bas... Là-bas... Les gens sont heureux et je pense à eux mais voilà j'ai changé de vie et c'est comme ça. C'est ce que j'ai essayé d'exprimer et je crois que grâce à la musique de Tony on est arrivé à une chanson qui est vraiment aboutie et qui a fait un chemin qui s'est bonifiée avec l'espace-temps. Avec le temps il y a des chansons qui s'usent et il y a des chansons qui au contraire s'augmentent et deviennent incontournables. "Souvenirs, attention, danger" est une chanson pour laquelle c'est arrivé. Les gens l'adorent vraiment maintenant... Comme "L'Algérie". "L'Algérie" est devenue incontournable. Ces chansons n'étaient pas forcément au départ habilitées à avoir une carrière pareille et elles l'ont eu... C'est le public qui décide, finalement.

 Pour terminer, j’aimerais que vous nous parliez de Marcel Gobineau et que nous finissions sur ce qui reste sans doute l’une des plus belles chansons sur ce thème si important qu’est celui de l’amitié, « Mon ami, mon maître… », dont la musique a été composée par Yves Gilbert.

 Serge Lama:Au départ cette chanson devait être simplement un hommage à Marcel Gobineau qui en 1974 était dans la salle de spectacle et j'avais concocté cette chanson-surprise avec Yves Gilbert. C'était une surprise. J'avais demandé au projectionniste de mettre un projecteur sur Marcel Gobineau, on savait à quelle place exactement il était et au moment où j'ai chanté la chanson on a allumé le projecteur qui éclairait Marcel et je l'ai chanté pour lui. Alors évidemment il était en larmes. Et puis le temps a passé et Marcel m'a dit: tu sais, "Mon ami, mon maître" tu ne dois pas te figurer que c'est uniquement pour moi. Tu n'es pas le seul à avoir une aventure comme ça. C'est une chanson universelle, m'a-t-il dit. Et c'est vraiment lui qui m'a poussé à enregistrer "Mon ami, mon maître" que moi je n'avais écrite que pour lui. C'est grâce à Marcel Gobineau qu'elle existe parce que sinon cela n'aurait été qu'une chanson d'un soir. Elle a eu un succès considérable. En plus, elle était "acoquinée" si j'ose dire sur un simple avec "L'Algérie" et ce simple-là a eu un succès phénoménal à l'époque...

 J’aimerais rappeler le titre de votre livre, « Serge Lama Un homme de paroles - L’intégrale de mes chansons » aux éditions Flammarion. Et vraiment ce livre il faut que vous l'achetiez pour vos amis, pour les gens que vous aimez pour les fêtes de Noël et puis si vous n'avez encore jamais vu Serge Lama en concert allez le voir, c'est une véritable leçon de vie. Vous avez certainement dû comprendre beaucoup de choses en écoutant cette émission alors allez voir Serge Lama sur scène, c'est un très, très grand moment.

 J’aimerais remercier quelques personnes qui m’ont toutes aidées à faire cette interview et réaliser ainsi l’un de mes rêves, Charlotte Ajame votre attachée de presse aux éditions Flammarion, José Constantino-Pinto qui a assuré la réalisation de cette interview, Michelle Gaillard ma directrice d’antenne, Danièle Guedj, Pauline Paris, la société geekadomicile.com. J’aimerais dédier cette émission à ma mère Marie-Pierre Bay. Et enfin et surtout vous remercier vous, vraiment du fond du coeur vous remercier vous Monsieur Serge Lama.

 Serge Lama:Eh bien je suis vraiment très fier de tout ce que vous me dites. Je suis même un peu ému aussi parce que c'est très rare que j'ai un intervieweur qui soit à ce point attaché à mes chansons et qui les connaissent aussi bien et je dois dire au public que quand même les chansons c'est toute ma vie, ce qui est dans ce livre c'est toute ma vie. C'est-à-dire que j'ai consacré toute ma vie depuis tout petit, ce n'est pas que j'ai consacré ma vie à partir de vingt-deux ou vingt-trois ans non, j'ai consacré depuis quasiment que je suis né, j'ai consacré toute ma vie à la chanson et donc ces paroles qui sont dans ce livre, c'est pour ça que j'ai appelé cela "Un homme de paroles" c'est les paroles que j'ai écrites, ce ne sont pas des paroles en l'air, ce sont vraiment des paroles qui ont beaucoup compté pour moi, elles m'ont donné la seule part de bonheur que j'étais capable de recevoir et c'est celle que m'a donné le public.

 Ce livre c'est votre vie tout simplement.

 Serge Lama:C'est ma vie, c'est ma vie oui.

 Merci infiniment Serge Lama.

 Serge Lama:Merci à vous.

 

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