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05.06.2009

5 Juin 2011: On prend toujours un train pour la vie Radio Canada

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Principe de l'émission:

La série On prend toujours un train pour la vie revient cette année avec 15 nouvelles émissions, dans lesquelles Josélito Michaud recueille les confidences de personnalités qui ont traversé un deuil : perte d'un être cher, d'une relation, d'un métier, de projets qui étaient au coeur d'une vie ou d'une image qu'on se faisait de soi-même...

 

Serge Lama:

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Merci à Térésa de nous avoir retranscrit par écrit cette entrevue:

 

 On prend toujours un train pour la vie...


Imaginez, le wagon-restaurant d'un train privé en route vers on ne sait quelle destination. Serge est assis près de la fenêtre avec Josélito devant lui qui mène la conversation et lui pose parfois des questions auxquelles il répond.

D'abord, les deux hommes conviennent de se tutoyer étant donné qu'ils se connaissent personnellement. Puis après avoir évoqué les concerts montréalais que Serge vient de donner, la discussion plus qu'une entrevue commence.

Josélito mentionne qu'après avoir tout lu sur Serge même s'il le connaissait déjà beaucoup, il a l'impression que son dernier album, L'âge d'horizons, est un album-testament et que son dernier spectacle est un spectacle-bilan. Serge a répondu qu'il ne devait pas exagérer, que des albums-testament ou bilan il en avait déjà fait beaucoup. Qu'il est un triste que les gens prennent pour un gai et que lorsqu'on devient star il faut faire ce qui plaît au public car il arrive un moment où celui-ci te dessine et te décide. Qu'au moment où le public décide que la vedette leur appartient, il la voit de telle, telle ou telle façon (comme ça, comme ça, comme ça pour citer Serge). Que Lama, il a un rire comme ça, Lama fait des chansons comme les Petite femmes de Pigalle, d'Aventures en aventures et une Île... Une vedette est définie par le public comme un peintre a un style... Qu'il a passé sa vie à faire des albums-bilans pour expliquer la situation au fur et à mesure que ça se passait. Josélito lui a alors demandé s'il avait souffert de cette perception parce que, comme nous le savons tous, il y a beaucoup de mélancolie chez Serge. S'il s'était demandé "Est-ce qu'un jour on me prendra au sérieux ". Serge a répondu que Oui et que parfois c'était trop pour lui de devoir être toujours le joyeux luron. Josélito lui a alors demandé s'il avait marre de chanter ses chansons plus légères. Serge a répondu que non car elles étaient nécessaires pour permettre au public et à lui-même de se reposer. Mais, il n'en a que 6 de ce genre de chansons et c'est toujours celles-là qui passent à la radio, dont on lui parle. Pas qu'il n'est pas responsable, non car c'est lui qui les a écrites tout de même mais il en a 300, 400 ou 500 autres dans son répertoire.

Serge a ensuite ajouté qu'il doit sans cesse débuter et redébuter que pour lui rien n'est acquis, qu'il faut qu'il se batte, que s'il ne se bat pas il n'obtient rien. Serge a alors parlé de son obsession de faire l'Olympia quand il était plus jeune. Maintenant, ce qu'il voudrait c'est faire son métier en étant heureux et en faisant ce qu'il a envie de faire.

Josélito a ensuite mentionné le fait que toutes les chansons de Serge ne sont pas autobiographiques mais que « J'arrive à l'heure » et il a cité deux des phrases de la chanson avant de lui demander si c'était fatiguant de vivre pour un mélancolique, un nostalgique, un gars triste comme lui. Serge a répondu que c'était fatiguant pour lui-même et pour les gens qui vont le regarder dans les salles. Que quand il rentre sur cette chansons, les gens se disent C'est vrai il a raison, il y a des moments on a vu et revu les mêmes choses et on se dit Bon Dieu, se lever le matin et vivre c'est fatiguant! Et c'est un effort qu'on fait pour survivre même! Parce que c'est difficile, parce que les choses sont toujours pareilles. Moi je suis né avec un ennui monumental... Josélito lui a alors demandé s'il y avait un lien avec le fait qu'il était fils unique, il a répondu qu'il ne le savait pas que l'ennui était son fond de sauce, que c'est par celui-ci qu'il avait réussi à écrire autant de chansons et qu'il n'arrivait pas à combler cet ennui qui paradoxalement n'est pas ennuyeux que dès qu'il se passe rien il s'ennuie et qu'il est obligé de faire quelque chose. Qu’il prend le train par exemple. Josélito a alors dit que Serge écrivait partout même dans un train et qu'il avait passé sa vie à se préparer à être le chanteur qu'il est le soir. Qu'il ne pouvait vivre de vie normale pour tout donner à cet interprète sur scène.

Serge a répondu que lorsqu'il est dans le cadre de son travail qu'il ne considère pas comme un travail mais plutôt comme un sacerdoce, il se prépare et que le moment le plus difficile sont les deux heurs qui précèdent le spectacle parce qu'elles n'en finissent pas, qu'elles sont trop longues. L'ennui et une sorte de peur inconsciente (le trac) s'installent et il se demande mais pourquoi je vais rentrer devant 3 000 personnes??? Et que c'était comme ça tous les soirs. Josélito lui a alors demandé pourquoi il le faisait et Serge a répondu qu'il ne savait rien faire d'autre, que s'il ne faisait pas ça, il n'existait pas. Il a ensuite ajouté qu'il avait déjà l'impression de ne pas exister, de vivre derrière un aquarium. Que les gens qui sont devant, existent mais qu'il ne sait pas ce qu'ils font, qu'il se demande pourquoi ils font les choses qu'ils font là mais que lui il est à part et écrit des choses sur eux. Il a terminé en disant "Je suis né revenu de tout . C'est-à-dire je n'ai aucune illusion, il n'y a rien qui me surprend vraiment." Que même lorsqu'il était enfant et adolescent, il regardait les adultes avec un œil qui savait déjà quelque chose.

La conversation a ensuite dévié sur les parents de Serge. Son père d'abord qui a été chanteur mais qui a dû arrêter à cause de sa mère castratrice et la difficulté que Serge a éprouvé de voir cela et son envie de réussir là où son père avait échoué. Serge a mentionné que si son père avait réussi, si sa mère n'avait pas fait ce qu'elle a fait, il se serait probablement tourné vers l'écriture plutôt que vers le métier de chanteur. Josélito a ensuite de l'accident qui a tué les parents de Serge, 20 ans après celui-ci d'où il est réchappé. Son père est mort sur le coup et sa mère quelques mois plus tard et Serge a mentionné que le dernier geste de sa mère avant d'entrer dans le coma avait été de le regarder avec le seul œil qui lui restait et d'essayer de lui tendre son doigt pour montrer son alliance. Lui demandant ainsi si son père était toujours en vie. Sa mère lui a alors semblé sympathique ce jour-là car tout de même, dans son état et ne penser qu'à son mari... Josélito lui alors demandé s'il avait pensé qu'elle n'aimait pas son père parce qu'elle avait empêcher son père de réaliser son rêve. Serge a répondu qu'il y avait plusieurs sortes d'amour et que son père était plutôt fragile et sa mère plus dominatrice et que celui-ci avait besoin de cette domination. Bien sûr ça n'a pas arrangé Serge dans ses relations avec les femmes par la suite car pendant très longtemps la femme a été pour lui celle qui empêchait...

Quand les femmes sont arrivées, lorsqu'il a eu du succès, il est très conscient que c'était Serge Lama qu'elles voulaient et non pas Serge Chauvier mais il était devenu Serge Lama. Josélito lui a alors demandé si ça lui avait causé des troubles de personnalité, une dichotomie entre l'homme qu'il est réellement et celui qu'il est sur la scène. Serge a répondu que dans la vie il était d'une tristesse noire, toujours parti dans son monde (les gens qui le côtoient, quotidiennement peuvent en témoigner), qu'il ne parle pas et que tout d'un coup lorsqu'il arrive dans un restaurant en une seconde il est un autre. En une seconde, il commence à faire rire tout le monde, à faire des bêtises... Qu'il y a quelque chose qui se déclenche en lui et qu'il est obligé par politesse presque de faire quelque chose que les gens attendent. Il se dit : "Je suis là pour ça, je suis un clown, je suis là pour les distraire". "Ça devient fatiguant à la longue de toujours, toujours..." a rétorqué Josélito. Serge a alors admis que c'était devenu plus fatiguant depuis le début de la cinquantaine. Alors il est devenu lui-même et a imposé aux autres celui qu'il était vraiment. Maintenant, il a quelques amis qui le connaissent bien et avec qui il ne se sent pas obligé de toujours être drôle...

Après une pause commerciale, Josélito a parlé de la chanson D'où qu'on parte. Serge a dit que si jamais il écrivait un livre de mémoires, il l'intitulerait « Tout ça pour rien ». Expression venu du magnat de la presse française Émile de Jurardin qui l'avait prononcé sur son lit de mort. Il a ajouté qu'on fait des choses parce qu'on les a en soit mais qu'au fond ça sert à rien. Que si on existait pas ça ne gênerait personne et que lorsqu'on existe ça gêne quelqu'un. Il a cité en exemple le fait quelqu'un voudrait bien prendre la place de Josélito mais comme celui-ci existe, cette personne ne peut pas la prendre.

Josélito a alors rétorqué mais quand tu dis des phrases comme « c'est pas nous qui tenons les cartes » ça veut dire que quoi qu'on fasse... On ne peut pas rien faire a complété Serge. Puis il s'est mis à rire ou plutôt, il essayait de ne pas rire tandis que Josélito continuait en disant qu'il fallait avoir beaucoup vécu pour avoir écrit cette phrase. Au bout du compte... oui au bout du compte a continué Serge qui essayait toujours de ne pas trop rire. Je pense qu'on est prédestiné. Il a ensuite ajouté qu'il croyait à la réincarnation d'une part et que d'autre part il croit que dans la vie d'une personne il existe des carrefours qu'elle est obligée de passer. Qu'on a aucune prise sur son destin. Il a rectifié ensuite en disant qu'on a un peu de prise. Comme décider de continuer après un accident a dit Josélito. Serge a dit alors qu'il existe des possibilités mais qu'elle ne sont pas grandes et que le grands carrefours, comme son accident, il ne pouvait pas les éviter. Ensuite, étant un battant, il a remonté la pente. Par contre, arrivera un jour où il n'y aura plus rien à remonter et on lui mettra de la terre dessus et se sera la fin. Serge a alors ri un peu avant de continuer.

La conversation a alors roulé sur l'accident de voiture de Serge. Josélito a demandé à Serge, si lors de son accident, il s'était dit Ma mère a empêché mon père de réaliser son rêve et voilà que la vie m'empêche de réaliser le mien. Serge lui a répondu non. Qu'il avait à cette époque une sûreté qui dépassait la sienne. Qu'il avait alors une grande certitude qu'il réussirait quoi qu'il arrive. Après son accident, Serge s'est calmé car celui-ci l'avait non seulement fragilisé mais lui avait aussi donné des forces de tendresse qu'il avait en lui. Forces, qui avaient été bridées jusqu'alors, à cause de sa mère... Josélito lui a ensuite demandé s'il s'était déjà demandé quelle genre de vie il aurait eu si l'accident n'avait pas eu lieu et qu'il avait épousé Liliane ou si jamais il n'avait osé le faire. Serge répondu qu'il l'imagine, que ça aurait été différent bien sûr mais que ça aurait pu être très bien aussi. Que ça aurait été surtout différent car maintenant qu'il s'est calmé, il vit une vie beaucoup plus tranquille qu'autrefois, plus sédentaire, plus cocooning. Il a ensuite ajouté qu'il s'est toujours senti responsable de sa mort car c'est lui qui avait imposé qu'elle l'accompagne dans ladite tournée. Que c'était un amour parfait foudroyé au moment le plus fort et qu'un tiers de ses chansons inconsciemment sont dédiées à Liliane. Dans lesdites chansons, c'est l'amour pour une femme qui est ailleurs et que c'est impossible car on pourra jamais y arriver. Quand il a appris 3 mois après son accident qu'elle était décédée, il a hurlé toute la nuit "Reviens!".

L'entêtement de Serge l'a aidé à remarcher par contre car son médecin lui avait dit qu'il ne pourrait pas refaire de scène. Josélito lui a demandé s'il avait eu des difficultés à s'engager avec une autre femme par la suite par crainte de la perdre elle aussi. Serge a répondu qu'il l'avait cru pendant un certain temps mais qu'il a toujours un peu de cette crainte autour de lui. Josélito lui a alors demandé s'il avait pris beaucoup de temps à accepter cette mort. Serge a répondu que Liliane était revenue mais sous les traits d'une autre femme, Michèle. Qu'il croyait que Liliane lui avait envoyé Michèle tout comme elle lui avait envoyé tout ce qui lui est arrivé de bien. Pour faire une parenthèse, j'ai la même croyance pour ce qui s'agit de mon père décédé.

Josélito a mentionné alors qu'il était intéressant que Serge fasse la démarcation entre amour et histoire de fesse. Serge avait mentionné quelques minutes avant qu'il n'avait vraiment aimé que quelques femmes dans sa vie. Serge a lors rétorqué que ça n'avait aucun rapport que le corps a des besoins que le cœur n'a pas. Qu'il aime avec son cœur 2 ou 3 femmes mais qu'il les trompe avec plein de corps qu'il n'aime absolument pas et qu'il oublie instantanément. On est ensuit passé à une dernière pause commerciale dans cette entrevue.

Au retour, Josélito a demandé à Serge s'il pourrait faire une vie normale comme les autres. Serge a répondu que maintenant oui il le pourrait. Qu'il ne disait pas que ça sera facile mais que la seule chose qu'il ne pourrait pas arrêter de faire c'est d'écrire car ça il en a besoin mais chanter étant donné qu'il souffre de plus en plus suite aux séquelles de son accident auxquelles se sont greffées l'arthrose il pourrait vivre sans la scène. Josélito lui a d'ailleurs posé la question et Serge a dit qu'il y aurait effectivement un deuil à faire au départ mais comme il n'avait plus de prétention ni d'ambition de ce côté-là. Josélito a alors renchéri que c'était pour cela qu'il pouvait parler non de retraite mais dire comme lors de l'entrevue avec Pénélope McQuade à laquelle j'étais présente dans le public que si la santé ne le lui permet pas, il arrêtera à un certain moment. Par contre, il veut s'arranger dans 3-4 ans pour faire des adieux discrets car il croit que ceux-ci n'intéresseront personne. Josélito lui a alors demandé s'il allait redevenir Serge Chauvier alors, Serge a dit que non car il aimait Lama le vrai pas Chauvier car il est un mystique car il y a une force d'amour en lui presque inassouvie. Il veut retrouver sa liberté. Avoir le droit d'être comme il est sans toujours être obligé de se surveiller parce qu'il est Serge Lama et que les gens le regardent. Ils le verront alors tel qu'il est et si ils n'acceptent pas tant pis, ça n'aura plus d'importance à ce moment-là.

Josélito a ensuite remarqué qu'au dernier spectacle de Serge auquel il avait assisté, il avait eu l'impression que celui-ci chantait comme si c'était la dernière fois (j'ai eu cette impression aussi aux trois spectacles québécois auxquels j'ai assisté dont le même que celui auquel Josélito avait assisté). Serge a admis que c'était le cas qu'il n'avait rien à ajouter et qu'il avait toujours aimé les chanteurs qui chantaient ainsi. Qu'il chantait comme s'il se suicidait et que si on ne chante pas comme ça il faut faire autre chose. Josélito lui a alors dit que c'était fatiguant. Serge a alors dit "Bah c'est comme si tu risquais ta vie tous les soirs."

Finalement, Josélito a demandé a Serge ce qu'il voulait faire avec le temps qu'il lui restait car il avait l'impression, avec les chansons du dernier album, qu'il préparait son départ à tout point de vue. Qu'une partie de lui délaissait quelque chose. Serge a répondu qu'il avait un grand goût de culture en lui. Qu'il avait le goût, par exemple, de voir des films qu'il n'avait pas eu le temps de voir, de voire des choses artistiques dans les musées. Que c'est vers ça qu'il doit ouvrir les yeux maintenant. S'il lui reste quelque chose à faire pendant le temps qu'il lui reste à être vivant, c'est se nourrir de ce qui est beau dans le monde. Josélito a alors ajouté qu'en observant celles-ci il chasserait alors son ennui. Serge a alors dit que son ennui disparaîtrait lorsqu'il aurait fait la paix avec quelque chose qu'il ignorait. Qu'il ne pouvait pas jurer qu'il trouverait ce qu'il recherche au fond de lui, qu'il aurait besoin d'aide quelque part, de miroirs, de vrais amis qu'il n'a pas encore trouvé et qui un jour lui diront quelque chose. Tout d'un coup lui faire faire ça et tout pourrait changer. Josélito a alors mentionné qu'il avait perdu beaucoup de ses vrais amis. Serge a alors dit que c'était de sa faute car il avait choisi ses vrais amis trop vieux mais que c'était nécessaire pour lui et que maintenant qu'ils n'étaient plus là ils lui manquaient. Serge a dit aussi qu'il y avait toujours une sorte de balance. Josélito a alors souhaité le meilleur à Serge. Serge lui a dit qu'en parlant avec lui il voyait dans ses yeux qu'il avait beaucoup de choses à faire. Josélito lui a dit « toi aussi » et ils se sont serrés la main.

Excusez cette longue lecture que je vous ai imposé mais elle était nécessaire pour que vous puissiez bien comprendre le déroulement de cette émission.

 

 

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