"Feuille à feuille", un album de poésie
LES AMATEURS d'art pompier qui admiraient le Lama symphonique seront déçus : Feuille à feuille est un disque de facture sobre, acoustique, un album pesé, emballé dans les joliesses de l'accordéon de Serge Tomassi et les velours du guitariste Yann Benoist. D'où vient cette sérénité, cette douce humilité, tant d'attributs auxquels le chanteur le plus grandiloquent de la scène française ne nous avait pas habitués ? Après une tournée menée avec cordes et orchestre, il est venu à Serge Lama l'envie, selon son propre aveu, de "dépoussiérer" une cinquantaine de chansons de son répertoire en compagnie de trois musiciens (Tomassi, donc, Benoist et le percussioniste Nicolas Montazaud). Les quatorze chansons de ce nouvel album ont été ainsi conçues sans fanfreluches.
Les talents d'auteur de Lama s'en trouvent dévoilés. Il est doux de tourner les pages de ce livre amoureux. Le plaisir, l'ivresse des sentiments, les illusions et la chute, tous ces thèmes qui furent les ingrédients de la chanson réaliste à la française puis de celle des années 1950 (Piaf) tissent la toile du disque. S'y ajoute l'optimisme de la décennie suivante, celle de Gilbert Bécaud (Les Québécoises). Fort de ces références musicales, Serge Lama invente un monde où il est toujours possible de rêver d'un classicisme expressif, éloigné de l'éclectisme des tribus électroniques de ce début de siècle. Lama rejoint ainsi un Thomas Fersen, plus jeune d'une génération, lui-même amateur de guitare et de violoncelle.
Il ne faudrait pas croire pour autant que Serge Lama ait renoncé totalement aux cordes, aux grandes envolées. Pour un Quand est-ce qu'on fait l'amour dépouillé, il y aura forcément une Femme adieu ("Je travaille à ma solitude / J'aspire à l'épaisseur des pierres / (...) Femme adieu / Saches que / Désormais / J'ap-partiens à Dieu").
Feuille à feuille est évidemment un disque amoureux. En prélude, Serge Lama cite Romance sans parole, de Paul Verlaine. L'album est empreint d'une sensualité dans laquelle s'effacent les gamineries macho façon Les P'tites femmes de Pigalle, le chanteur préférant s'attarder, admirer, courtiser courtoisement ("De vous je suis dévot / Rien ne vous vaut", dans Rien ne vaut vous).
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